Edwige l’a échappée belle. La jeune femme tient une petite échoppe à étagères à huit mètres en face de la société Nettoycam, au quartier Brazzaville à Douala. Elle n’a été épargnée que de justesse par des débris de métal provenant d’une forte explosion survenue dans l’après-midi du 08 juillet 2024. L’explosion a endommagé l’une des citernes de la société, dont les trois principales activités sont résumées sur une petite plaque fixée sur le portail : « sludge, sanitation, incinération ».
La cuve froissée est éventrée et détachée de son sommet de métal cylindrique. « Un grand morceau de métal est tombé ici, sur le goudron. On a dû appeler un gros engin pour le dégager. Heureusement, aucune moto ne circulait au moment de l’explosion », raconte Edwige en montrant du doigt la chaussée bitumée qui sépare l’usine des maisons qui ont été soufflées par des débris.
Les autres habitations situées dans les environs de la société de production des huiles de vidange, au lieu-dit « Escalier Bar », n’ont pas eu la même chance. A quelque cinq mètres de la « caisse » d’Edwige, le toit recouvrant la véranda d’une maison est légèrement éventré, un bout du plafond pend. Le métal, propulsé dans la nature à la suite de l’explosion, a sectionné le câble reliant la maison au poteau électrique d’à côté.
Le plafond d’une maison a été arraché, les débris ont brisé tous les nacos, ainsi que le téléviseur du locataire,
déclare Edwige, qui était assise derrière son étal lors de l’explosion.
Giscard Nde n’a plus de logement
Située à quelque cent cinquante mètres dans le bloc situé en face de Nettoycam, la résidence en dur de Giscard Nde, un jeune chef de famille, a subi plus de dégâts. Sans doute, l’onde de choc provoquée par l’explosion a-t-elle contribué à éparpiller les débris si loin. Une partie de la maison s’est effondrée sur ses quatre occupants (les deux parents et leur fille, ainsi que le frère aîné du chef de la famille), blessant légèrement la mère et l’enfant de quatre ans.
Il était environ 14 heures, et il y avait une pluie battante. J’étais dans le sommeil en ce moment-là. Puisque j’avais déjà mangé, j’étais fatigué et je me suis reposé. Nous avons d’abord entendu une forte explosion. Mais j’ai d’abord cru que c’était le tonnerre,
aconte Giscard Nde.
L’enfant a passé deux jours à l’hôpital de Tergal avant de sortir », ajoute le père de famille. Si le cas de l’épouse de Giscard n’est pas assez préoccupant, la dame demeure toutefois sous soins, traumatisée et en convalescence : « Elle-même été piquée au pied par une pointe. Elle ne marche pas encore bien,
nous apprend son époux.
Outre l’épouse et le bébé de Giscard, une maman résidant tout juste en face de la société Nettoycam a séjourné pendant quarante-huit heures à l’hôpital de district de Nylon-Tergal. La surnommée « Ma Co » (‘‘Co’’ pour Colette) serait sortie de l’hôpital mercredi 10 juillet, ainsi que nous l’a confirmé une source médicale à l’hôpital de Nylon, où le reporter s’est rendu le mercredi 11 juillet 2024.
L’avocat de Nettoycam, seul interlocuteur des sinistrés
Giscard, la principale victime, eu égard à l’ampleur des dégâts, nous jette un regard désespéré pendant qu’il nous montre le pan entier de sa maison qui s’est écroulé. Il n’en reste plus que ruines et gravats. L’immense morceau de métal cylindrique qui a été projeté depuis l’usine située à des dizaines de mètres, à la suite de l’explosion, est encore coincé au-dessus des gravats. Il s’agit de la tête du cylindre qui recouvrait l’immense cuve de stockage de l’huile de vidange.
La déception des victimes tient aussi au fait que les principaux responsables de la société Nettoycam semblent leur avoir fermé les portes, préférant se faire représenter auprès des sinistrés par leur avocat.
On demande à rencontrer le directeur général, le PDG ou n’importe quel autre responsable de la société proprement dite, l’avocat refuse, il nous fait comprendre que c’est lui la face qu’on verra.,
se désole Giscard.
L’avocat est venu vers nous. Aux dernières nouvelles, il nous dit arrogamment qu’on cherche rapidement une maison à louer, qui coûte au maximum 40 000 francs CFA. Il va verser deux ou trois mois, le temps pour lui de retirer d’abord le métal de la société et de faire ce qu’il va faire. Mais, nous ne sommes pas convaincus parce que c’est une démarche qui n’est pas exacte, et non officielle,
ajoute-t-il.
Des produits dangereux
Deux camions-citernes à la carrosserie bleue sont garés dans la cour de la société, tout près de la clôture. Sur l’une de la dizaine de grandes cuves noires implantées dans l’enceinte de l’usine de la société « Nettoycam Don Fran », il est mentionné, en blanc, le nom d’une substance chimique : « Bentonite liquide ».
Pour accès dans ce site sous responsabilité Nettoycam, vous devez respecter les consignes suivantes …,
peut-on encore lire sur une plaque.
Ces mentions en disent long sur la dangerosité de certains produits utilisés dans les usines de la société.
Les responsables de celle-ci doivent songer à renforcer les mesures et les règles inhérentes à la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas du premier incident du genre, si l’on en croit les riverains. Selon Giscard Nde, la dernière explosion, survenue, il y a quelques années, avait provoqué des dégâts similaires.
Loger les sinistrés en attendant l’assurance
Quant aux autorités, il est urgent qu’elles songent à délocaliser une entreprise industrielle qui côtoie des maisons habitées. Album Social a entrepris des démarches visant à recueillir la version de Nettoycam. Un vigile de faction à l’entrée de l’usine a déclaré mercredi que le directeur général était parti au port et que les autres responsables étaient absents.
Jeudi 11 juillet 2024, nous avons contacté le cabinet de Me René Tchaton, conseil de Nettoycam, et obtenu les propos ci-après :
On est en train de prendre des dispositions pour réparer ce préjudice. Nous sommes en train de les loger en attendant l’assurance. Il y a une dame dont la maison a été très endommagée et d’autres cas de destruction qui sont graves.
Toutefois, l’un des sinistrés, contacté dans l’après-midi du jeudi, n’a pas caché ses inquiétudes, quand il déclarait n’avoir plus aperçu le conseil de Nettoycam depuis mardi.