La Constitution camerounaise garantit le respect des droits de l’homme. En son préambule, elle réaffirme les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, tout comme les articles 1 à 15 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par le Cameroun. Le Code pénal, quant à lui, condamne explicitement la torture (article 277) et les traitements inhumains ou dégradants. Malgré cet arsenal juridique, le fossé entre les lois et leur application reste abyssal.
Les rapports d’organisations comme Amnesty International ou la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés dénoncent régulièrement des violations. La torture, par exemple, est encore utilisée comme méthode d’interrogatoire dans certaines brigades ou commissariats, avec des aveux extorqués sous la menace ou par la force. Cette année, l’affaire de torture de l’artiste « Longue-Longue » a suffisamment suscité les débats. En 2022, l’affaire Samuel Abanda, un jeune homme brutalement torturé dans une gendarmerie à Yaoundé, avait provoqué une onde de choc, sans toutefois aboutir à des réformes structurelles.
La situation carcérale est l’un des points noirs des droits de l’homme au Cameroun. La prison centrale de Kondengui, conçue pour 1 500 détenus, selon les experts, en accueille plus de 5 000. Cette surpopulation entraîne une dégradation dramatique des conditions de vie : cellules surpeuplées, accès limité à l’eau potable, absence de soins médicaux, et alimentation insuffisante. Des maladies comme la tuberculose ou le choléra y font régulièrement des ravages. Pourtant, nombre de ces détenus sont en attente de jugement, souvent depuis plusieurs années, victimes d’une détention préventive prolongée.
Le cas de Clément Tchakounte, détenu sans procès depuis 2017, illustre l’ampleur du problème. Des promesses de construction de nouvelles prisons ont été faites, mais elles peinent à se matérialiser.
Les ONG en première ligne
Face à ces réalités, des Organisations Non Gouvernementales locales et internationales jouent un rôle crucial. Le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) documente et dénonce les abus, notamment les cas de torture et de détention arbitraire. ACAT Cameroun (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) apporte un soutien juridique aux victimes, tout en menant des campagnes de sensibilisation. Cependant, Selon leurs responsables, ces ONG travaillent dans un environnement difficile. Leurs membres font face à des intimidations et, parfois, à des arrestations sous des accusations fallacieuses.
Défendre les droits de l’homme au Cameroun, c’est marcher sur un fil tendu,
confie un militant sous couvert d’anonymat.
Par ailleurs, le gouvernement camerounais affirme prendre des mesures pour améliorer la situation. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés mène des inspections dans les prisons et organise des formations pour les forces de l’ordre. En 2023, une campagne nationale contre la torture avait permis de sensibiliser plus de 2 000 officiers de police et gendarmes, mais les résultats restent limités. Le ministère de la Justice promet également de décongestionner les prisons par la mise en œuvre d’alternatives aux peines d’emprisonnement pour les délits mineurs. Mais ces initiatives peinent à se traduire par des changements significatifs dans la vie des citoyens.
Une journée pour réfléchir et agir
Cette Journée internationale des Droits de l’Homme est une opportunité de rappeler que derrière les lois et les discours, il y a des vies humaines en jeu. Le Cameroun, avec son potentiel économique et humain, peut et doit mieux faire. Les défis sont immenses, mais des solutions existent :
renforcer l’indépendance du système judiciaire, rendre les forces de l’ordre plus responsables, et humaniser le système carcéral,
d’après les experts.
En ce 10 décembre, le véritable enjeu n’est pas seulement de célébrer les droits de l’homme, mais de transformer les promesses en réalités concrètes pour chaque Camerounais.