Un nourrisson de trois jours a été enlevé à Ekoumdoum Baptist Hospital, le 3 août dernier. Depuis lors, sa famille est inconsolable. Stéphane Ndiffo, le père du bébé de sexe féminin pleure à chaudes larmes. Ses frères et sœurs ont envahi les coins et recoins de l’établissement hospitalier. Dans la salle d’attente, deux dames assises à même le sol sont en pleurs. Il s’agit de la mère et de la grand-mère du bébé. Au passage d’une infirmière, la génitrice se jette sur cette dernière et la frappe. Sous le feu de l’action, l’on peut entendre :
je veux mon bébé, remets-moi mon bébé, voleurs de bébés.
Ce film digne d’un scénario hollywoodien a commencé, le 1er août 2024. La mère de l’enfant volé donne naissance à sa progéniture. Cette dernière est ensuite conduite dans la salle d’attente et non en maternité, comme l’indique la procédure. La raison évoquée par le personnel soignant, le cordon ombilical a été mal sectionné et le nouveau-né doit rester en observation. Jusqu’ici tout semble bien se passer. La nouvelle maman partage la chambre avec deux autres personnes : une dame qui venait de subir une opération et son garde malade, une jeune dame identifiée plus tard comme la voleuse.
Le père inquiet, s’interroge :
pourquoi on n’observe pas une femme qui vient d’accoucher en maternité ? Pourquoi la laisser avec le bébé dans un tel inconfort ?
se demande-t-il.
Au personnel de lever le doute dans l’esprit du géniteur :
vous allez sortir samedi parce que l’enfant est en observation à cause de la fièvre,
lui dit-on.
Sauf que l’enfant ne quittera jamais l’enceinte de l’hôpital avec sa famille.
J’ai appelé ma femme vendredi à 18h pour savoir pourquoi elle n’est pas encore sortie de l‘hôpital. Elle me fait comprendre qu’elle attend qu’on lui donne l’autorisation de sortie. 45 minutes après, elle dit qu’elle veut manger. Et elle dit à la dame qui gardait un malade dans sa chambre qu’elle s’en va manger puisque l’hôpital n’autorise pas qu’on mange dans les salles. Après 10 minutes, la femme qui gardait la malade vient lui demander si on est venu lui remettre son enfant. Ma femme sursaute et se dirige vers la chambre, mais le bébé était déjà parti. Elle a quitté le 4e étage jusqu’au rez-de-chaussée en criant « mon bébé est où ? ». Entre-temps, personne n’a pris les dispositions pour fermer les issues de l’hôpital, le temps de retrouver l’enfant,
raconte Stéphane.
Recours légal
Pour l’avocat constitué par la famille pour défendre le cas social, beaucoup de zones d’ombre subsistent.
Nous sommes venus avec un huissier de justice pour faire les premières constatations. L’enquête est en cours, ce qui est déjà une bonne chose. De mon point de vue de juriste, je ne peux pas comprendre qu’il n’y ait pas de caméras de surveillance dans une maternité, et qu’il y ait une intrue qui a passé presque toute une journée. On nous a fait comprendre que cette dame est dans la tranche d’âge 25-30 ans, donc l’hôpital aurait pu avoir des caméras qui balaient les entrées et les sorties susceptibles de nous montrer le visage de cette dame. Les forces de l’ordre mènent encore les enquêtes. Nous ne pouvons pas en dire plus,
laisse entendre Me Simon Pierre Nami, avocat de la famille.
Les droits de l’Homme menacés
Cette situation ne laisse pas indifférentes les populations. Une foule en furie a pris d’assaut la formation sanitaire. Parmi elles, les membres de la famille. Sur les écriteaux collés sur leurs torses, l’on peut lire :
remettez notre bébé !
Les mêmes écrits sont visibles sur les murs de l’hôpital. La famille a fermé de force les caisses et la pharmacie de l’institution sanitaire. La Ligue de défense des droits des personnes défavorisées s’est saisie du dossier. Emmanuel Mbombog, en interpellant les autorités compétentes pour que justice soit rendue, a dénoncé cet acte odieux.
J’appelle le président de la République, le ministère de la Santé publique, le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, le ministère des Affaires sociales et la Première Dame et toutes les institutions de défense des droits des femmes et des enfants à prendre le problème à bras le corps pour que le bébé soit rendu à ses proches. Il faut que cet hôpital privé soit fermé. On ne peut pas comprendre qu’un hôpital continue de fonctionner malgré un scandale de cette envergure. Si le bébé ne retrouve pas sa famille au plus tard vendredi, nous viendrons faire la grève de la faim dans la cour, et nous serons au moins 100,
a martelé Emmanuel Mbombog.
Pour l’heure, une enquête est en cours pour que ce nourrisson à peine né, retrouve les bras de ses parents.
Ce phénomène refait surface 13 ans après l’affaire Vanessa Tchatchou (en 2011) et sept ans après celle du bébé Noah Bikele (en 2017). Des vols de bébés à répétition qui mettent en évidence les défaillances du système de santé camerounais. L’urgence d’une union des forces pour faire face à un fléau devenu monnaie courante se fait ressentir.