Ce lundi 15 juillet 2024, un groupe de jeunes malvoyants offre un spectacle musical sur le trottoir, au lieu-dit carrefour Régie dans l’arrondissement de Yaoundé 1er. La tête du groupe, Ndongo, tenant sa canne blanche dans la main gauche et un micro dans l’autre main, donne le ton en entonnant des chansons religieuses chrétiennes.
Nous venons de différentes familles, de différentes maisons et nous parlons différentes langues. Mais, nous chantons en langue française. Chaque jour, nous nous regroupons pour louer Dieu. Nous le louerons tous les jours de notre vie jusqu’à la fin de nos jours,
affirme-t-elle.
Tamtams ; castagnettes ; guitares ; baffles sont les matériels de cet orchestre forain. Et pour humaniser leur prestation, ces hommes et femmes, allient leur voix à l’harmonie de l’orchestre. Ezékiel est le guitariste ; Abdou lui n’est pas déficient visuel et est le guide du groupe. Avec Ndongo et une autre dame, ils secouent les castagnettes. Enfin, Martin fait trembler le tamtam à l’aide de ses mains et d’un bout de tuyau à gaz, utilisé comme une baguette pour une meilleure résonance du tamtam.
Des chants d’espoir
Les visages langoureux, ils émettent des mélodies d’espérance.
Quand nous prestons, nous attendons que certains bienfaiteurs nous viennent en aide. Comme vous nous voyez là, chacun de nous a des problèmes, mais comme nous ne pouvons pas les résoudre, nous préférons les exprimer à travers des chants pour attirer l’attention des uns et des autres,
explique Ndongo, l’air attristé.
En effet, à travers le spectacle offert, ces artistes d’un autre genre souhaitent attirer l’attention des passants et des automobilistes, afin que ceux-ci leur apportent du soutien, tant moral, matériel, que financier.
Nous avons choisi la prestation d’abord pour louer Dieu, mais aussi pour gagner notre pain. Lorsque des âmes de bonne volonté nous écoutent et qu’ils peuvent nous lancer quelque chose, ils le font,
indique-t-elle.
C’est à travers cette activité que nous avons notre pain quotidien,
ajoute son confrère Ezékiel Hounou
Chaque jour, ils se retrouvent dès 6 heures du matin dans des différents quartiers de la ville de Yaoundé – qu’ils déterminent à l’avance-, et commencent à prester au plus tard à 7 h 30. Les lieux de rencontre réguliers sont la Poste centrale ; Acacias ; Rond-Point Express ; Carrefour Simbock, etc.
Aujourd’hui, nous sommes au carrefour Régie, je ne sais pas encore où on ira demain. Quand nous finissons de travailler, on définit le lieu de la prochaine rencontre. C’est Dieu seul qui sait où il va nous envoyer demain,
indique Ndongo, la chef de file du groupe.
Une activité ludique et lucrative
Cette activité permet à ces musiciens d’un genre particulier de subvenir quelquefois à leurs besoins. Le public, très souvent séduit par leurs sonorités, dépose quelques pièces ou billets dans un panier déposé à proximité de l’orchestre. Ces gestes apparaissent comme des chants de bonheur pour ces musiciens entrés dans la profession malgré eux.
Nous avons choisi de faire cette activité parce que certaines activités sont un peu compliquées pour nous. Je prends l’exemple du commerce ; on peut l’exercer, mais certaines personnes viennent nous tromper. De fois, volent les marchandises. Donc, certaines activités ne sont pas vraiment faciles pour nous,
martèle Ezékiel Hounou, le guitariste.
Spectateurs méprisants, matériel défectueux
Au quotidien, le groupe composé de membres venus d’horizons divers fait face à de nombreuses difficultés.
La majorité des passants aiment nous voir prester, mais d’autres nous méprisent. Certaines personnes arrivent, nous enregistrent et partent faire de cela leur commerce. Ils disparaissent, et on n’entend plus jamais parler d’eux,
s’indigne Ndongo.
Pour pouvoir travailler, ces déficients visuels multiplient les efforts pour se procurer le matériel sonore.
Quand on chante comme ça, ce qu’on gagne, on le garde de côté pour acheter le matériel et résoudre d’autres problèmes,
affirme Ezékiel.
Sans le matériel, ils ne peuvent pas exercer. Pourtant, il arrive des moments où celui-ci est défectueux, impactant énormément sur leur activité.
On a souvent l’habitude de prester ici jusqu’à 14h, mais actuellement, l’autonomie de notre baffle ne tient plus longtemps, car ça a déjà trop duré. Là où ça nous lâche, nous sommes obligés de laisser et rentrer. Ces derniers temps, ça ne va pas au-delà de 11heures,
explique-t-il, en grinçant sa guitare.
Pour renforcer l’équipe, ces chanteurs impliquent parfois leurs enfants dans leur activité, ce, malgré eux.
Au moment où nous vous parlons, nous avons de nombreuses difficultés comme le paiement de nos loyers. C’est très pénible. Les enfants comme vous les voyez, ce n’est pas facile leur prise en charge. C’est pourquoi, nous sommes obligés de sortir tous avec eux aussi afin que chacun mette sa main dans la patte,
précise Ezékiel.
En dépit des difficultés rencontrées, Ndongo et ses son équipe nourrissent l’espoir de lendemains meilleurs. Une note d’espoir qui sonne comme un appel à l’aide des âmes de bonne volonté.