Par une matinée brumeuse à Yaoundé, le soleil peine à percer le voile grisâtre qui enveloppe la ville. Au détour d’une ruelle du quartier Damas, une épaisse fumée noire s’élève d’un tas d’ordures en flammes, dégageant une odeur âcre qui imprègne l’air. Assise devant sa modeste échoppe, Clarisse, une commerçante de 45 ans, observe avec inquiétude le brasier improvisé :
Nous n’avons pas le choix. Les camions de collecte ne passent pas régulièrement. Si nous laissons les ordures s’accumuler, cela attire les rats et les moustiques. Alors, nous les brûlons,
déclare-t-elle.
Non loin de là, John, un enseignant de 38 ans, exprime sa préoccupation :
Chaque fois que ces déchets brûlent, mes enfants toussent et se plaignent de maux de tête. Je sais que cette fumée est nocive, mais que pouvons-nous faire d’autre ?
S’interroge-t-il.
Chaque jour, des tonnes de plastiques, papiers, et autres matériaux non biodégradables sont incendiés dans des quartiers urbains et périurbains, exposant les populations locales à de graves problèmes respiratoires, cardiaques, et même à des cancers.
Le Dr. Bertrand Hugo Mbatchou, pneumologue et investigateur principal du projet Clean Air Africa au Cameroun, alerte sur les conséquences de cette pratique au micro de nos confrères d’Echos santé :
La combustion des ordures libère des substances toxiques, notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), qui sont extrêmement nocifs pour la santé », précise-t-il. Avant d’ajouter qu’ : « Au Cameroun, nous enregistrons environ 11 000 décès par an dus à la pollution de l’air domestique, principalement causée par l’inhalation de ces fumées toxiques.
Un problème environnemental majeur
Outre les risques sanitaires, la combustion des déchets a des répercussions environnementales significatives. Selon une étude sur la gestion urbaine dans les pays du Sud,
l’incinération de matériaux contenant du chlore peut être à l’origine de dioxines et de furanes, substances potentiellement cancérogènes pour l’homme », indique-t-on. De plus, « la mise en décharge occasionne la production de volumes importants de méthane ; ce gaz peut donner naissance à des explosions et provoquer des incendies,
renchérit cette étude.
Face à cette situation alarmante, des initiatives voient le jour. À Dschang, dans l’Ouest du Cameroun par exemple, un projet de compostage des déchets a été mis en place par la Mairie, permettant de valoriser les ordures ménagères en compost pour l’agriculture locale. Cependant, ces initiatives restent isolées. Le Dr. Mbatchou insiste sur la nécessité d’une action concertée :
Il est crucial de sensibiliser les populations aux dangers de la combustion des déchets et de mettre en place des systèmes de gestion des ordures plus efficaces »,
rappelle-t-il.