On ne le dira jamais assez, l’épilepsie n’est pas une maladie fatale. Cette pathologie neurologique non contagieuse, causée dans certains cas par des séquelles dues à des traumatismes mal soignés (un accident par exemple), peut affecter n’importe quel individu, enfant ou adulte, et l’on peut en guérir, assurent les médecins neurologistes camerounais, au premier front de la bataille de sensibilisation contre les idées reçues autour de cette maladie.
Pourtant, malgré ces efforts de conscientisation, les épileptiques continuent d’être stigmatisés dans la société camerounaise.
On a remarqué que les patients épileptiques de plus en plus sont stigmatisés. Et ça a toujours été le cas, mais il y en a qui ne connaissent pas la maladie. Du coup, ils les mettent à part, on ne communique pas avec eux [les patients], on les stigmatise. On les sort de l’école, de l’emploi ; on ne les intègre pas dans certains types de métiers. C’est ça le but de parler de cette maladie, de la sortir de l’ombre pour que tout le monde la connaisse, pour que l’on n’ignore pas les patients vivant avec la maladie,
a souligné, pour le déplorer, le Dr Annique Magnerou, neurologue à l’hôpital Laquintinie de Douala, interrogée par Radio Balafon.
Le thème choisi pour l’édition 2025 de la journée internationale de cette pathologie,
l’épilepsie, ma vie, qu’est-ce que j’en fais ? Comment je vis avec ?,
vise à corriger ces clichés entretenus autour des épileptiques. La célébration a été ponctuée par l’organisation, le 13 février dans les locaux de l’hôpital Laquintinie de Douala, d’un symposium sur le thème « Vivre avec l’épilepsie » en collaboration avec la Ligue camerounaise de lutte contre l’épilepsie, et son président, le Pr Calixte Kuate, le chef du Département de neurologie de la Faculté de médecine de l’Université de Douala, le secrétaire général de l’Académie africaine de neurologie, ainsi que les médecins neurologues de la ville de Douala.
Un taux de prévalence très élevé au Cameroun
Le Cameroun présente l’un des taux de prévalence les plus élevés au monde, avec une forte concentration dans le grand Mbam, apprend-on. Sur près de 600 consultations en neurologie, à l’hôpital Laquintinie de Douala, une trentaine voire une cinquantaine de patients sont diagnostiqués comme ayant fait des crises d’épilepsie. Pour le Dr Magnerou, il s’agit
d’une maladie très fréquente soit dans les consultations, soit directement dans les hospitalisations, et c’est souvent des malades qui ne connaissent pas la maladie, qui viennent parfois par hasard et qui nous sont référés par nos collègues,
conclut le médecin.
A l’échelle mondiale, l’on dénombre 50 millions de patients épileptiques, et cette maladie biomédicale est le troisième motif de consultation en neurologie, après les céphalées et les douleurs neuropathiques. Les symptômes peuvent varier selon que l’on est adulte ou enfant. Chez les adultes par exemple, les chutes brutales sont courantes, suivies de convulsions ou de spasmes (secousses involontaires du corps) et de la coulée de la bave pourpre avec une possibilité pour le patient d’uriner sur lui. Par contre chez les enfants, l’on note une tendance à l’évasion soudaine de l’esprit (le patient est perdu, hagard) dans des circonstances qui ne s’y prêtent pourtant pas (en salle de classe par exemple). Il y a également des gestes brutaux dont l’enfant n’aura plus souvenance après coup.
Selon le Dr Magnerou, environ 80% de patients soumis au protocole de traitement disponible à l’hôpital Laquintinie de Douala, recouvrent la guérison.
On peut guérir des crises, mais il faut savoir de quel type d’épilepsie vous souffrez. Si c’est des formes génétiques, ça veut dire qu’il y a des membres de votre famille qui ont des crises, ce sera peut-être un peu compliqué. Mais, si c’est des formes avec des étiologies secondaires, je prends l’exemple des traumatismes crâniens, qu’on pouvait prévenir en mettant des casques, si c’est des causes infectieuses, métaboliques, inflammatoires, si vous avez une tumeur, des pathologies qui peuvent être à l’origine, il faut rechercher ces causes à la base, oui on peut les prévenir, si on connaît le type d’épilepsie que vous avez,
explique le Dr Annique Magnerou.
Stigmatisés, 30% de patients vont d’abord chez le tradipraticien ou à l’église
Le nommé Mboma est un cas palpable de la possible guérison de cette maladie neuronale. Epileptique depuis l’enfance, il a guéri à l’âge de quatre ans, avant de rechuter brutalement en 1996, après une dizaine d’années sans en présenter les symptômes. En quête de guérison définitive depuis 28 ans, il déclare, en guise de conseil, que
le patient doit d’abord être son propre médecin, en respectant les prescriptions médicales, et surtout ne pas fréquenter les milieux ambiants,
prévient-il.
Outre leurs activités professionnelles, auxquelles elles peuvent vaquer en toute tranquillité, les personnes souffrant d’épilepsie ne sont pas exemptes d’activités sportives comme la marche, la course et la gymnastique. Toutefois, certaines disciplines comme la natation ne sont pas compatibles en raison des risques élevés de succomber avant les premiers secours en cas d’irruption soudaine de la maladie en pleine piscine. Les femmes enceintes, elles aussi, peuvent s’épanouir, même porteuses de cette maladie chronique au traitement au long cours. Il leur suffit tout juste d’un minimum de discipline dans la thérapie.
Pourtant, à cause du caractère stigmatisant de la maladie, de nombreux patients refusent d’aller se faire consulter aux premières manifestations des symptômes, regrette le Dr Magnerou.
J’ai plusieurs cas d’enfants, d’élèves, d’étudiants, qui ont été sortis des salles de classe parce qu’ils avaient l’épilepsie. Ça me choque à chaque fois parce que je pense que, dans nos écoles, nos familles, on n’est pas très au fait de la maladie. C’est souvent des enfants qui ont la maladie depuis un, deux, trois ans, et on les garde dans la maison, on les amène chez les tradi praticiens et dans des églises, et vous voyez le temps que ça prend avant de venir voir le neurologue,
s’offusque le médecin.
Selon la spécialiste, près de 30% se font consulter après avoir essayé ces solutions thérapeutiques alternatives.