Il est presque 15h, cet après-midi du 13 février 2025, lorsqu’une dame que nous nommerons Philomène a franchi le seuil de l’orphelinat Sainte Thérèse d’Obili. Cette dernière est vêtue d’une robe rose, visiblement coûteuse. Sa petite pochette entre les mains, sa greffe dont la longueur effleure les épaules et son « make up » laisse d’abord penser à une bienfaitrice venue donner du sourire aux enfants. Toutefois, l’ambiance change lorsque cette dernière aperçoit sœur Marie Louise, responsable de la structure d’accueil. Le bruit des enfants qui jouent dans la cour de la structure d’accueil laisse place à des éclats de voix. La femme est à la recherche de son enfant arraché à ses bras depuis un peu plus de deux ans.
D’après ses dires, son bébé a été placé dans un orphelinat dont elle ignore le nom après sa séparation avec son mari, il y a 24 mois. Depuis lors, la dame, la quarantaine apparente, a fait le tour des structures d’accueil des enfants en détresse dans presque tout le pays. À l’Ouest, à l’Est, dans le Littoral… la mère d’enfants dit avoir fait le tour du pays à la recherche de sa progéniture. L’orphelinat Sainte Thérèse d’Obili a fait les frais de la tristesse et du chagrin apparent de la disparition d’un être cher.
Je vous jure que si vous cachez mon enfant, vous serez maudits ». « Aucune mère ne peut accepter vivre loin de son enfant ». « Je peux construire tout ce que je vois ici ? Ce n’est rien pour moi ». « Je ne peux pas gagner un million par mois, et quelqu’un d’autre élève mon enfant. Je suis encore en vie et mon enfant vit dans un orphelinat ?,
lance la femme.
De la rigueur
Cette scène retient l’attention de l’équipe d’Album Social sur les lieux. La question de savoir comment les enfants sont admis dans le foyer d’accueil se pose alors. Une préoccupation à laquelle sœur Marie Louise Messina a répondu.
Les enfants accueillis ici viennent de toutes les régions du Cameroun. Nous avons plusieurs catégories d’enfants : orphelins d’un parent, de deux parents, des enfants abandonnés, mais qui viennent des Affaires sociales. Personne ne peut entrer dans cette maison sans l’aval des Affaires sociales. Les Affaires sociales ont le dernier mot sur tous nos pensionnaires. De même, aucun enfant ne peut entrer ici s’il les Affaires sociales ne l’ont autorisé,
explique-t-elle.
Avant de poursuivre,
Si je trouve un enfant au portail, la première chose à faire c’est de signaler le cas au chef du quartier. Ensuite, je le rends dans le commissariat le plus proche et je contacte les Affaires sociales qui vont dépêcher une équipe qui saura quoi faire. C’est après avoir étudié son cas, ils peuvent décider de l’envoyer ailleurs,
précise-t-elle.

Un sacerdoce
L’orphelinat Sainte Thérèse d’Obili existe depuis 2007. L’institution compte aujourd’hui 47 enfants. Parmi eux, 29 sont inscrits au primaire, 17 au secondaire et un à l’université. Si les pensionnaires du cycle secondaire sont scolarisés dans les lycées et collèges de la ville de Yaoundé, ceux du primaire étudient dans une école créée par le centre d’accueil. Ceci pour réduire les coûts de la prise en charge.
On avait des difficultés à joindre les deux bouts, quand on a commencé à les envoyer à l’école, ils étaient 17 et les frais de scolarité d’un enfant nous coûtaient 65.000 FCFA. 10 enfants nous coûtaient 650.000 FCFA chaque année. (…) L’évêque nous a suggéré de mettre en place une école primaire pour scolariser nos enfants, étant donné que notre congrégation est très engagée dans l’éducation et le social, entre autres. Nous avons dès lors créé une école primaire pour accueillir tous ces enfants. Nous avons ensuite engagé la procédure pour avoir l’agrément de création et d’ouverture, et on nous l’a octroyé,
argumente sœur Marie Louise.
Les enseignants qui y travaillent sont formés dans les Enieg à travers le pays. Pour payer leurs salaires, l’orphelinat a ouvert ses portes aux élèves extérieurs. Pendant que les pensionnaires fréquentent gratuitement, les apprenants venus des leurs maisons familiales paient les frais de scolarisation. Les fonds qui en découlent permettent de soutenir les charges salariales. À cela s’ajoutent les contributions des sœurs. Même si Marie Louise n’a pas voulu dévoiler le montant de celles-ci, elle assure tout de même que le pourcentage donné dépend des gains de chaque sœur à la fin du mois.
La main sur le cœur
Le « refuge » finance également sa mission par des dons. Des bienfaiteurs n’hésitent pas à venir en aide à Sainte Thérèse. L’un des cas les plus récents est le financement des études universitaires de l’un des enfants de l’orphelinat. Ce dernier suit des études d’ingénierie dans un établissement d’enseignement supérieur de la place.
Certains bienfaiteurs nous aident aussi. Par exemple, c’est l’un d’eux qui finance entièrement la formation de celui qui est à l’université. Si un bienfaiteur arrive et dit que je vais supporter telle ou telle charge, il le fait »,
lance la sœur.
Si la question de la réinsertion n’est pas clairement évoquée, compte tenu de l’âge relativement bas des enfants, l’organisation humanitaire s’attèle tout de même à donner à ces derniers les outils nécessaires pour s’en sortir dans la société.
Les enfants sont encore très jeunes. Donc, nous ne parlons pas encore de réinsertion. Cependant, pensez-vous que l’aîné qui est déjà étudiant, après trois à cinq ans à l’université, ne pensera-t-il pas déjà à se construire ? L’orphelinat est comme une maison familiale pour lui. Nous préférons qu’il nous expose ses projets pour l’avenir. À partir de là, nous verrons la suite (…) Nous voulons qu’ils repartent déjà autonomes,
confie Marie Louise.
Rappelons que, depuis sa création, il y a 18 ans, l’orphelinat Sainte Thérèse s’est donné pour mission de
donner aux enfants abandonnés ce que la nature leur a refusé
Offrir un toit à ces laissés pour compte, leur garantir une éducation de qualité pour cette catégorie de la population en quête de succès. Pour l’atteinte de cet objectif, sœur Marie Louise et les siens font néanmoins face aux problèmes de scolarisation de ces enfants et parfois de nutrition.