L’autisme, ou troubles du spectre autistique, englobe un ensemble de trouble du neurodéveloppement qui affectent la communication, les interactions sociales et les comportements. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 1 personne sur 160 dans le monde vit avec un trouble du spectre autistique. Les signes se manifestent souvent avant l’âge de 3 ans, mais la reconnaissance et la prise en charge restent un défi majeur.
Au Cameroun, comme dans de nombreux pays africains, l’autisme est encore mal compris, et la majorité des familles n’ont pas accès à un diagnostic précoce, ni à des soins adaptés. Le manque de formation des professionnels de santé et la faible disponibilité des services spécialisés sont des obstacles majeurs.
À Yaoundé, par exemple, l’association Autisme Cameroun œuvre depuis 2009 pour soutenir les familles et sensibiliser le public. Lilly Tchoungui Oyono, fondatrice de l’Association, explique :
Nous rencontrons régulièrement des parents qui ne savent même pas ce qu’est l’autisme. Ils arrivent souvent après que des années aient été perdues, sans que leurs enfants aient reçu un diagnostic.
Les enfants atteints de TSA sont souvent mal intégrés dans le système éducatif, notamment dans les écoles publiques.
Peu d’établissements scolaires sont équipés pour répondre aux besoins spécifiques des enfants autistes, et les enseignants manquent de formation pour reconnaître et gérer les symptômes de ce trouble. D’après des témoignages recueillis, de nombreuses familles se tournent vers des écoles privées spécialisées, souvent à un coût élevé, ce qui laisse de côté les familles les moins privilégiées.
Une expérience amère
Nathalie, mère de Lionel, un garçon de 7 ans diagnostiqué autiste, partage son expérience. « Lorsque Lionel était bébé, il ne répondait pas quand je l’appelais. Il ne regardait pas dans les yeux, ne parlait pas et ne réagissait pas à son nom. Mais à l’époque, je ne savais pas ce qu’il avait. C’est seulement après un diagnostic tardif que j’ai compris qu’il était autiste », raconte-t-elle.
Lionel fréquente actuellement une école privée spécialisée, mais Nathalie explique que l’accès à ces services est limité par leur coût.
C’est très difficile d’assumer les frais. Nous vivons à Yaoundé, donc l’accès à des structures spécialisées est un peu plus facile, mais pour les familles qui vivent en milieu rural, la situation est encore plus complexe. Il n’y a pas d’endroit où ces enfants peuvent être accueillis et suivis correctement,
précise-t-elle.
Malgré ces difficultés, Nathalie reste déterminée à donner à Lionel une chance d’avoir une vie aussi normale que possible.
Il y a des jours où c’est difficile, mais chaque progrès, même petit, est une victoire. Lionel peut maintenant lire et écrire quelques mots. Je suis fière de lui. Mais l’important, c’est que les gens commencent à comprendre ce que l’autisme implique. Il n’est pas malade, il a juste besoin de plus de temps et de soutien.
Le Dr Ze Enam Landry, neuropsychiatre à Yaoundé, souligne les défis de la prise en charge des enfants autistes.
Nous manquons de spécialistes en autisme. Très peu de médecins sont formés pour diagnostiquer ces troubles. De plus, l’accès à des soins spécialisés est limité. Les parents doivent souvent chercher des solutions à l’étranger ou dans des structures privées à des coûts exorbitants.
Avant de poursuivre que :
Les enfants autistes peuvent vivre une vie épanouie, si une prise en charge précoce est assurée, mais cela nécessite une formation continue des professionnels de santé, et un changement de politique de santé publique.
Le Dr Ze Enam plaide également pour une meilleure intégration des enfants autistes dans le système scolaire.
Les enseignants doivent être formés pour reconnaître les signes précoces de l’autisme, et pour adapter leur enseignement. Un enfant autiste n’a pas besoin d’un traitement spécial dans le sens classique, mais d’une approche différente pour lui permettre de progresser à son rythme.
Des initiatives locales pour un meilleur accompagnement
Des associations comme « Autisme Cameroun », «Cause (culture autisme et sensibilisation), tentent de combler le vide laissé par l’État dans la prise en charge des enfants autistes. Ces associations mènent des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les hôpitaux et les communautés, et offre un soutien aux parents. Elles organisent également des formations pour les professionnels de l’éducation et de la santé, afin d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des enfants autistes.
Marie Mélanie Bell, fondatrice du « Centre Orchidée Home », un centre de soins pour enfants autistes à Yaoundé, explique que son établissement s’efforce d’offrir un suivi adapté, mais qu’il reste limité par des ressources financières.
Notre mission est d’offrir un environnement où les enfants autistes peuvent évoluer. Nous avons des thérapeutes et des éducateurs spécialisés, mais le centre ne peut pas accueillir tous les enfants qui en ont besoin. La demande est bien plus grande que ce que nous pouvons gérer.
D’autres centres comme l’École spécialisée pour enfants déficients auditifs de Yaoundé et le Club des Jeunes Aveugles Réhabilités du Cameroun (CJARC) luttent pour la même cause. Les parents et les professionnels de santé appellent à une plus grande mobilisation pour l’inclusion des enfants autistes dans la société camerounaise. Nathalie, mère de Lionel, conclut qu’:
il est important que la société comprenne que nos enfants ne sont pas différents dans le mauvais sens. Ils ont des talents, des passions. Si nous leur offrons les outils nécessaires, ils peuvent réussir, comme n’importe quel autre enfant. Il faut plus de soutien, plus de structures adaptées.
Selon Coco Bertin :
L’État doit prendre des mesures pour intégrer l’autisme dans les politiques publiques. Il faut des centres spécialisés, des écoles inclusives, des formations pour les enseignants et les soignants. Nous devons permettre à ces enfants de s’épanouir dans un environnement qui leur est favorable.
Bien que certaines initiatives existent pour accompagner les enfants autistes, beaucoup reste à faire. L’autisme, encore mal compris, nécessite, selon les experts, une sensibilisation accrue, des infrastructures adaptées et une formation continue des professionnels. L’inclusion des enfants autistes dans la société camerounaise ne sera possible que par une action collective et une prise de conscience plus large de cette réalité.