Sa Majesté, pouvez-vous revenir en quelques lignes sur la genèse du projet Camina ?
En 2010, les populations m’ont signalé qu’il y avait des hélicoptères qui survolaient nos villages, et on ne savait pas de quoi il s’agissait. À cette occasion, je me suis rapproché des autorités administratives qui m’ont envoyé vers Camina. Ils m’ont expliqué que c’était la campagne aérienne, et là ils faisaient une exploration aérienne pour voir les espaces libres et les espaces où il y a des indices de fer. Et en 2011, ils sont venus pour tenir une réunion d’information et de sensibilisation pendant laquelle, ils nous ont expliqués qu’ils ont un permis d’exploration. Ils ont travaillé ici jusqu’en 2013, 2014.
Lorsqu’en 2011, ils nous disaient que c’est le fer qu’ils cherchent, toute la population de Melombo m’a demandé de faire un rite traditionnel et à la fin de ce rite, ils ont dit à Camina qu’elle va trouver ce qu’elle cherche. Malheureusement en 2015, le prix du fer a chuté à l’international et les partenaires australiens qui étaient avec Camina ont lâché Camina. Ils ont vendu leurs parts aux Indiens. Le projet est donc resté en veilleuse en quelque sorte.
Les choses ont repris après le COVID-19, et à ce moment, ils sont allés plutôt du côté de Bipindi, et en fin 2023, ils m’ont signalé qu’à l’heure actuelle, ils ont le choix entre deux sites, notamment celui de Melombo et celui de Bipindi. Cependant, ils pensaient que c’est le site de Melombo qui présentait plus de facilité d’exploiter davantage de réserves. C’est ainsi qu’ils choisissent commencer par Melombo, mais il faut savoir qu’ils vont continuer plus tard sur Bipindi.
Est-ce qu’à ce niveau de développement du projet, les populations que vous représentez y sont associées ?
Associées, je ne sais pas, mais elles sont suffisamment informées. A tout contact avec Camina, nous leur donnons toutes les informations, et chaque fois que moi-même je les réunis, je leur donne tout ce que j’ai comme information par rapport à la mine. Donc, nos populations savent très bien que Camina s’en va vers la fin de l’exploration, et que nous attendons que le gouvernement lui accorde le permis d’exploitation. Et, ce n’est qu’en phase d’exploitation, qu’ils pourront peut-être satisfaire à la plupart des besoins des populations.
Êtes-vous informés des impacts probables de ce projet sur la population ?
Au courant du mois de mars, il y a eu une étude d’impact environnemental et social qui a couvert les arrondissements de Bipindi, de Lolodorf et même d’Effoulan et Messondo. C’est une étude menée par un bureau privé. Au cours des rencontres avec les populations, ce bureau prenait la peine de faire ressortir tout ce qu’il pourrait avoir comme impact en matière d’exploitation minière. Donc à l’heure actuelle, nous attendons impatiemment le rapport de ces études. Vous savez que c’est sur la base ces rapports que s’élabore souvent le cahier de charge.
Qu’est-ce que la population attend de ce projet du point de vue environnemental et social ?
C’est un certain nombre d’élites qui sont sensibilisés, et chaque jour, nous insistons auprès de ces élites d’être très attentifs à la lecture du rapport de ces études. Ceci pour déceler ce que le rapport relèvera comme menaces environnementales, et tout ce que les populations vont exiger. Mais également, ce que le gouvernement lui-même va exiger pour protéger ses populations.
Avez-vous l’impression que les populations adhèrent au projet ?
Les populations adhèrent totalement au projet. Mais vous savez que nous n’avons pas une histoire d’exploitation de mine chez nous, donc il y a très peu de populations qui savent de quoi il s’agit. Moi-même, c’est à travers les documentaires et lectures que j’ai enrichi mes connaissances sur ce qu’est une exploitation de mine de fer. Ce, avec l’ensemble des dégâts que cela peut avoir sur l’environnement. Et, c’est pour cela que nous restons très attentifs sur les conclusions de cette étude.
A-t-on une idée de la date de publication de ce rapport ?
Cette étude s’est achevée au mois d’avril. Cela veut dire qu’au plus tard au mois de juillet, nous devons déjà avoir le premier jet de rapport. Nous devons être très attentifs à ce premier jet pour voir si nos exigences ont été prises en compte. Parce que pendant les discussions publiques organisées par les porteurs de cette étude, nous avons soulevé de nombreux problèmes. Notamment, l’occupation des sols, que deviendront les rivières, ainsi que les forêts de chasse qui ne seront plus éventuellement ouvertes à nos chasseurs, etc. Il est donc question que le rapport non seulement fasse ressortir ces préoccupations, mais également propose des solutions.
Vous venez de recevoir le PDG de Jindal. Est-ce un signe annonciateur que les populations seront entendues ?
Je ne dirais pas tout à fait cela, mais nous mesurons l’importance qu’attache un grand investisseur comme Jindal qui se déplace jusqu’ici. Pour nous, c’est un indicateur que Jindal accorde une grande importance à ce projet. Cela nous confirme les informations que nous recevons de manière informelle des personnes qui disent que la mine de Melombo est très riche. Il y en a qui nous disent que bien que les permis d’exploitation soient souvent pour une durée comprise entre 20-40 ans, Camina est partie pour être ici pendant des centaines d’années. Et la venue de Jindal tend à nous conforter dans ces informations.
Que promet Jindal en faveur des populations ?
Nous avons soulevé des doléances à court terme parmi lesquelles, notre route Belombo-Bipindi qui est presque coupée actuellement. Par conséquent, nos femmes ont du mal à évacuer leurs productions aggravant ainsi leur niveau de pauvreté. Nous avons soulevé le problème de renforcement de notre centrale solaire qui fonctionne de 10h à 19h30 au plus tard, elle ne fonctionne plus. Car l’accumulation de l’énergie n’est pas assez forte. Nous avons également soulevé le problème de communication, car nous sommes complètement enclavés du point de vue des TIC. Toutes ces doléances sont émises pendant la phase d’exploration. Nous savons qu’à l’exploitation, ils bitumeront la route Melombo-Bipindi et même Melombo-Lolodorf, en fonction des revenus que pourrait générer cette exploitation. Pour l’instant, ils ne détiennent pas le permis d’exploitation, donc on ne sait pas encore lorsque ça commencera. Mais avant cela, nous avons quand même émis des doléances.
Maintenant, nous avons tous convenu que pour ce qui est des projets à long terme, ils seront adressés lorsque ce sera en phase d’exploitation. Les populations sauront exactement ce qu’elles pourront demander.
Le projet s’étend sur 4 villages, selon vous, est ce que les retombées de ce projet pourraient concerner tous ces 4 villages ?
Les retombées vont concerner toutes les populations organisées. Le code minier aux articles 191 et 196 parle des différents fonds qui doivent être mis en place. Parmi lesquels, le fonds de développement communautaire local. À présent, les textes d’application vont définir les modalités d’application. Mais, il faut que les communautés sachent que ce n’est pas de l’argent qu’on va distribuer. C’est un argent dont ils ne pourront bénéficier qu’à travers des projets. Donc, si la population n’est pas bien organisée pour présenter des projets bancables, elle ne va pas bénéficier de ces retombées.
Or, si elle a des projets bien montés, bancables, on sait qu’on pourra en bénéficier. J’insiste sur cet aspect pour préciser que le tout n’est pas de faire recruter nos enfants à mine. Car nous savons bien que le travail dans la mine ne doit pas dépasser 10 années. Pourtant, il y a plusieurs projets qui vont donner des outils nécessaires à nos jeunes, nos femmes, pour devenir des entrepreneurs, pour créer des richesses ; ce qui contribuera sans doute au développement de nos localités. Donc, non seulement tous les 4 villages, mais aussi, les populations environnantes doivent pouvoir s’organiser pour en arriver là.
Interview réalisée par Blaise Nnang