Femme rurale et import-substitution : opportunités et défis
C’est le thème retenu au Cameroun pour la 29e édition de la Journée mondiale de la femme rurale. Un thème d’une actualité brûlante, au regard de la volonté affichée par les pouvoirs publics de promouvoir l’import-substitution. Presque invisibles mais indispensables, les femmes rurales, qui représentent près de 70 % de la main-d’œuvre agricole, portent sur leurs frêles épaules la mission vitale de nourrir des millions de personnes au Cameroun. Pourtant, malgré leur rôle crucial, elles se battent chaque jour contre des obstacles qui freinent leur potentiel et menacent la souveraineté alimentaire du pays. Dépourvues de droits fonciers et d’accès aux financements, 60 % de ces femmes travaillent sans la garantie de posséder leurs terres.
En 2023, la FAO a révélé que la majorité d’entre elles ne peuvent obtenir de prêts pour moderniser leurs exploitations. Et, ce n’est pas tout : l’accès à l’eau potable, aux équipements agricoles modernes et aux marchés est souvent un parcours du combattant dans les zones rurales reculées. Avec des routes impraticables et des infrastructures sanitaires limitées, la tâche de ces femmes devient titanesque.
Face à ces défis, des initiatives ont émergé. Grâce au financement de l’Agence de coopération internationale de la République de Corée, le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets travaille avec le gouvernement du Cameroun et les communautés locales pour fournir par exemple un accès à l’eau potable à plus de 120 villages répartis dans trois régions du pays. Par ailleurs, le programme de développement rural et d’autonomisation des femmes a permis à 10 000 femmes de bénéficier de formations et de microcrédits. Mais ces efforts, bien qu’encourageants, ne touchent encore qu’une fraction infime de la population concernée. La route est encore longue pour que ces initiatives aient un impact national à grande échelle.
L’importance cruciale des femmes rurales
Gardiennes de la biodiversité, elles cultivent des variétés résilientes, adaptées aux aléas climatiques, contribuant à la stabilité des systèmes alimentaires. Sans elles, le Cameroun ne pourrait espérer atteindre une véritable souveraineté alimentaire. Leur résilience est une leçon pour tous. L’État camerounais, à travers les ministères de l’Agriculture et celui de la Promotion de la Femme et de la Famille, reconnaît aujourd’hui l’importance de ces femmes. Des efforts sont faits pour améliorer leurs conditions de travail, mais les résultats sont loin d’être suffisants.
Si les conditions de vie et de travail des femmes rurales ne s’améliorent pas, le Cameroun risque de voir ses objectifs de sécurité alimentaire mis en péril. Investir dans les femmes rurales ne doit plus être perçu comme un simple geste de solidarité, mais comme une stratégie économique incontournable pour garantir la souveraineté alimentaire. La célébration de la femme rurale doit aller au-delà des discours et des événements symboliques, pensent certains observateurs avertis. Lesquels lancent un appel à l’action pour une politique agricole plus inclusive, qui donne enfin aux femmes rurales les moyens d’exploiter pleinement leur potentiel. Le Cameroun, prévient-on, ne peut pas prétendre à une sécurité alimentaire durable sans reconnaître et soutenir ces héroïnes de l’ombre. C’est en leur offrant l’accès aux ressources, aux technologies et à la terre que le pays pourra véritablement s’assurer un avenir alimentaire serein et résilient.