Plusieurs centaines d’employés de la Cameroon Development Corporation (CDC) ont participé, le 12 novembre dernier, à une manifestation d’humeur dans la rue à Tiko, dans le département du Fako, région du Sud-Ouest. Cet arrondissement abrite, comme nombre d’autres localités de cette région anglophone, les plantations de la CDC, une société publique à capitaux mixtes, qui, il y a encore huit ans, était le deuxième plus grand employeur du Cameroun, après l’Etat, et constituait alors l’un des fleurons du secteur agro industriel camerounais.
Les manifestants ont déposé devant les locaux abritant la direction générale de cette société une pancarte résumant l’essentiel et la principale de leurs revendications, à savoir : le paiement de 55 mois d’arriérés de salaires. Ils ont saisi l’occasion pour réclamer également le limogeage du directeur général de la CDC.
Njié Franklin doit partir,
indiquait l’une de leurs pancartes brandies par les grévistes.
Ces derniers tenaient en mains des plantes symbolisant leur labeur quotidien dans les plantations de palmier à huile, d’hévéa et de bananes.
Nous, les travailleurs de la CDC, voulons le paiement de nos arriérés de salaire,
pouvait-on lire sur d’autres pancartes.
Des forces de sécurité sont intervenues vigoureusement pour sécuriser les biens publics de la ville et éviter les débordements, alors que les manifestants exprimaient leur colère.
Plus de quatre ans de dur labeur sans salaire
La détresse des employés de la CDC est d’autant plus grande et préoccupante que c’est depuis quatre ans et sept mois qu’ils n’ont pas perçu de rémunération de leurs efforts. Pourtant, ils besognent nuit et jour, à leurs risques et périls, dans une région en proie depuis fin 2016 à une crise sécuritaire qui s’est muée en conflit armé.
En effet, depuis huit ans, des groupes de militants sécessionnistes opèrent sans répit dans les deux régions anglophones du pays, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. A plusieurs reprises, ils ont pris pour cibles des personnes employées dans les plantations de la société de développement agricole, amputant les bras de quelques-unes de leurs victimes et tuant d’autres.
Par conséquent, plusieurs employés des plantations et des usines ont déserté leur poste de travail ou quitté l’entreprise. Les plantations de la CDC sont devenues, dans ce contexte, des camps de retranchement pour des militants sécessionnistes, qui revendiquent la création d’un État fictif d’Ambazonie.
Des arriérés de salaires de 35,7 milliards de FCFA dus aux employés
Au total, ce sont quelque 5 518 employés que la CDC a perdus en huit années de conflits armés en zones anglophones, pour les seules années 2021 et 2022. Soit 34,7% de ses effectifs, selon le rapport de la Commission Technique de Réhabilitation (CTR) des entreprises du secteur public et parapublic, publié en 2022.
Les employés qui ont persévéré et fait preuve de résilience, en plus de ces risques sécuritaires, ne peuvent prendre en charge leurs familles, pour ceux d’entre eux qui en ont. Ils peinent à scolariser leurs enfants et à les soigner. C’est sans compter les besoins alimentaires, dans un contexte d’inflation généralisée des vivres dans les marchés camerounais, du fait d’une énième augmentation du prix des carburants, il y a quelques mois.
Le Directeur général apaise
La CDC fait face à des soucis financiers, dans ce contexte de crise sécuritaire. Le cumul des mois de salaires impayés était estimé à 35,7 milliards de F CFA au 30 juin 2023. Certaines installations de la société ont été incendiées par des combattants sécessionnistes. Suite à cette autre manifestation publique des salariés de cette société, le directeur général de la Cameroon Development Company, Franklin Ngoni Njié a essayé de rassurer les employés.
Rappelant une circulaire datée du 04 octobre 2024, il réaffirme les efforts qui sont mis en œuvre par la société, l’Etat et les autres parties prenantes, en vue de sortir les employés de cette misère ambiante. Selon le responsable,
la direction comprend les revendications des travailleurs et les difficultés qu’ils traversent,
écrit-il.
Franklin Njié rappelle également les engagements pris antérieurement par l’entreprise et les leaders syndicaux des travailleurs en vue d’une sortie de crise. Cependant, pour le moment, aucune mesure concrète n’est annoncée.