Les images continuent de faire le tour des réseaux sociaux. Des tas d’ordures, parfois hautes comme des étals de marché, jonchent les trottoirs de Yaoundé, particulièrement dans les quartiers de Nkolndongo, Mvog-Ada, Biyem-Assi, Madagascar ou encore Etam-Bafia. Entre émanations nauséabondes, prolifération de mouches et encombrements des voies, la capitale camerounaise, comme d’autres grandes villes du pays, vit une véritable crise sanitaire urbaine. Face à cette situation, le ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) organise des assises nationales pour repenser la gestion des déchets urbains.
Ces assises visent à créer une large synergie de l’ensemble des parties prenantes, en vue d’une part, d’analyser collectivement les causes de l’insalubrité récurrente en milieu urbain, et d’autre part, de formuler les solutions durables dans le cadre d’une approche participative et inclusive qui favorisera l’adhésion de tous dans leur mise en œuvre,
peut-on lire dans un communique de presse du ministère.
Cette crise des ordures ménagères continue de perturber le quotidien des populations, impactant la circulation, menaçant l’hygiène publique et ravivant la peur d’épidémies dans les zones les plus touchées. Dans plusieurs quartiers, les habitants sont parfois contraints de brûler eux-mêmes les déchets, avec tous les risques sanitaires et environnementaux que cela implique.
Au-delà de l’impact sanitaire, cette crise génère des pertes économiques pour les commerçants de rue, restaurateurs et vendeurs ambulants, qui voient leur clientèle diminuer. Le secteur informel de la gestion des déchets, souvent marginalisé, est lui aussi désorganisé. Des cas d’infections cutanées chez les enfants sont signalés, et certaines écoles ont dû restreindre l’accès à certaines zones jugées insalubres.
Sur la toile, les images se sont multipliées sous des hashtags comme #YaoundéSale ou #UrgencePropreté. Des influenceurs camerounais à forte audience, à l’instar de Steve Fah, Numerica, ou encore Ulrich Takam, ont interpellé les pouvoirs publics en diffusant des vidéos dénonçant la situation, et en lançant des appels à l’action. Des internautes ont organisé des campagnes de sensibilisation, parfois accompagnées d’initiatives citoyennes de ramassage de déchets, avec le soutien d’associations de quartier.
Comment justifier une telle crise ?
Selon plusieurs analystes et observateurs, cette crise serait la conséquence directe d’un ralentissement des activités de la société Hysacam, principal opérateur en charge de la collecte des déchets dans la ville. En cause : des retards de paiement accumulés de la part des municipalités, des engins en panne, et une absence de solutions alternatives de gestion transitoire. Le manque de coordination entre la Communauté urbaine de Yaoundé, les communes d’arrondissements et les partenaires techniques a également été pointé du doigt. Dans son communiqué officiel daté du 07 février 2025, le MINHDU, Célestine Ketcha Courtès reconnaissait l’urgence et convoquait des états généraux de la gestion des déchets dans les villes camerounaises, avec Yaoundé comme point de départ.
Objectif : poser un diagnostic précis et construire un plan d’action national durable.
Madame le Ministre lance un appel à contribution en invitant tous les acteurs urbains porteurs d’initiatives et de projets dans la gestion des déchets urbains (pré-collecte, collecte, traitement, valorisation), à bien vouloir déposer leurs contributions auprès des Délégations régionales et départementales du MINHDU, ou à l’adresse électronique..
Le communiqué annonce également une large consultation impliquant les collectivités territoriales ; les opérateurs de collecte ; les partenaires au développement ; la société civile ; les experts en urbanisme ; les startups vertes et les citoyens eux-mêmes. Les états généraux doivent permettre de « repenser la gouvernance des déchets », selon les termes du ministre.
Parmi les mesures envisagées, plusieurs pistes ont été évoquées dans les premières réunions préparatoires : modernisation du matériel de collecte ; création de nouvelles décharges contrôlées ; développement de circuits de tri et de recyclage ; partenariats public-privé, et renforcement de l’éducation environnementale, dès l’école primaire.
La tenue des états généraux sur la gestion des déchets urbains marque une étape importante dans la lutte contre l’insalubrité. En mobilisant l’ensemble des acteurs concernés, cette initiative offre l’opportunité de repenser en profondeur les politiques de gestion des déchets et d’améliorer durablement le cadre de vie des habitants. Mais pour que les engagements ne restent pas lettres mortes, la population attend désormais des actes forts.