Boko haram s’illustre par des actes qui traduisent une peur enracinée dans une région où toute présence étrangère est perçue comme une menace potentielle. Le préfet du Mayo-Tsanaga, Jean Bosco Avom Dang, a rapidement informé sa hiérarchie de l’incident, confirmant que les populations locales, traumatisées par les incursions répétées des terroristes, ont développé une méfiance extrême envers toute personne étrangère à leur communauté, selon le journal l’œil du Sahel. Cette situation met en lumière l’impact psychologique de l’insécurité sur les populations, qui se sentent souvent livrées à elles-mêmes face aux assaillants.
Le département du Mayo-Tsanaga est l’un des plus touchés par les exactions de Boko Haram. Depuis plusieurs années, les villages subissent des attaques meurtrières, des enlèvements et des pillages. Pour se défendre, certaines communautés ont mis en place des mécanismes d’autodéfense rudimentaires. Cependant, ces initiatives, basées sur la peur et la méfiance, peuvent mener à des tragédies, comme celle de Souledé Roua.
Les victimes de cette bavure sécuritaire étaient pourtant en mission officielle. Frédéric Mounsi, chercheur au Centre de recherches géologiques et minières (Crgm) de Garoua, et Dr Bienvenue Bello, enseignant vacataire de géologie structurale aux universités de Garoua et de Ngaoundéré, étaient accompagnés de leur guide Oumarou Kabalay. Leur mission visait à étudier les conditions d’accès à l’eau potable pour les populations des Monts Mandara. Malgré leurs pièces d’identité et leur ordre de mission, ils n’ont pas échappé à la panique des villageois.
Réactions et condamnations
L’incident a suscité une vague d’indignations au sein de la communauté universitaire et politique camerounaise. Le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation, par la voix Madeleine Tchouente, a condamné avec la plus grande fermeté cet acte de violence, rappelant que les victimes étaient engagées dans une mission d’intérêt public. Pour sa part, le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) a dénoncé une « tuerie barbare et cruelle » et a annoncé une cessation des activités académiques et de recherche, le 11 mars 2025 en guise de protestation.
En effet, l’impact de Boko Haram ne se limite plus aux attaques directes contre les villages. L’organisation terroriste parvient à instaurer un climat de terreur qui modifie profondément les comportements des populations. La méfiance généralisée freine les déplacements, les échanges économiques et les initiatives de développement. Des zones autrefois fréquentées par des chercheurs, des humanitaires et des investisseurs deviennent de plus en plus inaccessibles. Cette psychose sécuritaire affecte le tissu social et complique davantage l’intervention des forces de défense et de sécurité.
De l’avis des experts, l’exécution sommaire des chercheurs de Souledé Roua pose la question de la responsabilité de l’État dans la protection des populations et des acteurs engagés dans le développement local. Selon eux, les autorités doivent renforcer la présence sécuritaire dans les zones les plus exposées et instaurer des campagnes de sensibilisation pour éviter que des erreurs aussi tragiques ne se reproduisent. Les populations, quant à elles, doivent être mieux informées sur les procédures à suivre lorsqu’elles suspectent une menace. Un dialogue constant entre les forces de sécurité, les autorités locales et les habitants pourrait permettre de limiter ces actes de violence causés par la peur et la désinformation.