Cette décision intervient dans un contexte marqué par une hausse brutale du coût des produits de première nécessité, qui alimente la grogne des consommateurs. Depuis plusieurs jours, les prix du riz, de la tomate, du gaz domestique ou encore de l’huile de table ont connu des augmentations jugées abusives. À Buea, la bouteille de gaz est passée de 8 000 à 10 000 F CFA, tandis qu’un panier de tomates s’échange désormais à 12 000 F CFA contre 7 000 quelques jours plus tôt. Une situation qui s’explique en partie par la rareté des produits agricoles, les difficultés de transport et les tensions sécuritaires sur certains axes commerciaux. Dans un communiqué adressé aux responsables des grandes surfaces, le ministre du Commerce a dénoncé des pratiques contraires à la réglementation en vigueur.
Luc Magloire Mbarga Atangana a rappelé que la confiance établie entre l’État et les opérateurs économiques repose sur la transparence et la responsabilité. Il a ordonné à la Brigade nationale de contrôle et de répression des fraudes de ramener les prix aux niveaux antérieurs, tout en invitant les consommateurs à signaler tout abus via le numéro vert 1502, mis gratuitement à leur disposition. Cette mesure vise à contenir la spéculation qui fragilise le pouvoir d’achat des Camerounais déjà confrontés à une forte pression économique.
Selon plusieurs témoignages recueillis dans les grandes villes, les ménages réduisent leurs dépenses alimentaires pour s’adapter à cette nouvelle réalité. Les difficultés d’approvisionnement observées dans plusieurs régions, notamment dans le Centre et le Littoral, mettent en lumière une crise alimentaire plus profonde. Dans le village d’Elang, à Sa’a, les habitants peinent à trouver les produits de base. Papa Zacharie, un planteur local, confie recevoir désormais ses vivres depuis Yaoundé, faute de disponibilité sur place.
D’après le Cadre harmonisé d’identification des zones à risque, plus de trois millions de personnes, soit 11 % de la population camerounaise, vivent une insécurité alimentaire et nutritionnelle depuis octobre 2024, dont 265 000 en situation critique. Les causes principales demeurent la baisse de la production, la cherté du transport et la dépendance excessive aux importations. Pour inverser la tendance, le Cameroun mise sur sa politique d’import-substitution adoptée en 2021.
Une bataille pour la stabilité des prix
Le Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah), doté d’un budget de plus de 1 000 milliards F CFA pour la période 2024-2026, ambitionne de renforcer la production locale de riz, maïs, soja et blé. Ce plan prévoit la sécurisation de plus d’un million d’hectares de terres agricoles et l’aménagement de périmètres hydroagricoles dans plusieurs régions du pays. Cependant, les résultats tardent à se faire ressentir. Selon l’expert en stratégie financière Dr Célestin Tchacounte Lengue, la production locale de riz ne couvre que 141 000 tonnes pour une demande nationale estimée à 648 000 tonnes. En 2024, le Cameroun a ainsi dépensé 319 milliards F CFA pour importer du riz, soit une hausse de 60 % par rapport à l’année précédente.
Conscient de l’urgence, le ministre du Commerce a réaffirmé en février 2025 son objectif de ramener le taux d’inflation à 3 %, tout en garantissant l’accès à une alimentation suffisante pour tous. Les contrôles annoncés visent à rétablir un équilibre dans les circuits de distribution et à restaurer la confiance entre l’administration et les opérateurs économiques.
Mais la bataille du gouvernement dépasse la simple question des prix. Elle s’inscrit dans un combat plus large pour la souveraineté alimentaire et la stabilité économique. Tant que la production nationale ne sera pas en mesure de répondre à la demande, chaque crise logistique ou politique se traduira par une flambée des prix. En attendant les effets concrets des politiques mises en place, les Camerounais espèrent que cette nouvelle offensive du gouvernement permettra, au moins, de ramener un peu de stabilité dans leurs assiettes.
