Trois millions. Ce chiffre représente le nombre de personnes en urgence alimentaire et nutritionnelle au Cameroun en 2023, selon les résultats des enquêtes de l’Institut National de la Statistique (INS). Des données qui révèlent comment de nombreuses personnes vivent dans l’extrême urgence alimentaire et nutritionnelle au Cameroun. Au quartier Leboudi, par exemple, une petite bourgade située dans les environs du 7e arrondissement de la ville de Yaoundé, la famille Jeazet connait bien cette réalité. Nourrir les quatre enfants que compte cette famille est une véritable bataille quotidienne pour Jicelein Jeazet et son épouse, Mabelle Mefoudjou. Depuis près d’une semaine, le père malade ne vaque plus à ses occupations quotidiennes, ce qui complique davantage la situation. Néanmoins, pour subvenir aux besoins des siens, le chef de famille, lorsqu’il est sur pieds, mène plusieurs activités.
Je suis polyvalent : je suis colleur de roues, maçon et également agriculteur. Je jongle entre ces activités. Quand la moisson n’est pas bonne d’un côté, je vais vers l’autre. En maçonnerie par exemple, je gagne parfois un ou deux marchés tous les mois. Cela n’est pas suffisant pour prendre soin d’une maison de six personnes. J’essaie de joindre les deux bouts en prenant la moto en lancement : je travaille avec la moto de quelqu’un contre une recette en soirée
explique Jicelein Jeazet.
La survie au bout des efforts communs
La famille s’est installée dans cette localité située dans le département de la Lékié, il y a presque cinq ans. Depuis lors, Jicelin et son épouse élèvent leurs quatre enfants dans un studio d’à peine 10 m². La bâtisse faite en matériau provisoire est couverte de tôles recyclées qui empêchent les eaux de pluie de s’infiltrer. Les « murs » intérieurs sont couverts de vieux rideaux. Le salon ou ce qui y tient lieu, affaiblit par le poids de l’âge, accueille difficilement ses occupants. C’est à peine qu’on trouve moyen de se déplacer dans la promiscuité de cette baraque. Au menu de cette soirée du 1er mai, du manioc et des légumes. Un plat que les enfants peuvent aujourd’hui déguster à leur faim. Mais, cela n’est pas le cas tous les jours. Ces derniers occupent un coin de la table, chacun devant son plat de légumes. Le complément étant dans une assiette commune au milieu de la table. Un repas obtenu grâce aux efforts communs des membres de la famille.
Aujourd’hui, il n’y avait rien à manger pour les enfants à la maison. Je les ai envoyés pour voir si les légumes sont assez grands au champ pour être coupés. Leur mère a cuisiné le peu qu’ils ont ramenés, et c’est cela qu’ils mangent pour dormir. C’est comme ça qu’on fait pour vivre
raconte l’homme de la maison.
De l’ingéniosité face à la difficulté
Les deux parents sont au four et au moulin pour offrir un cadre de vie approprié à leurs enfants. Pour ce faire, la mère a cherché un boulot dans la restauration. Elle fait la cuisine dans un restaurant de la place. Malgré un salaire qui n’atteint pas le minimum requis au Cameroun, la mère quitte son domicile tous les matins pour se rendre dans son lieu de service. Objectif, soutenir son époux dans les charges quotidiennes.
Avec 1500 Francs, c’était possible de sauter au moins le simple riz. Aujourd’hui, c’est ce n’est plus le cas. Le kilo de riz est déjà à au moins 600 Francs, et ce n’est même pas la bonne qualité. On n’arrive pas à joindre les deux bouts. Mon mari ne peut pas s’en sortir tout seul. J’ai dû me lancer dans une activité pour l’aider. C’est vraiment difficile
laisse entendre Mabelle Mefoudjou, maîtresse de maison. La jeune femme dame exerce cette activité sans inquiétude, du moins, depuis qu’elle a trouvé le moyen de garder le plus jeune de ses enfants.
J’ai inscrit les enfants dans des groupes différents dans leur école. Les uns vont à l’école le matin, et les autres à midi. Cela permet que le dernier-né ne reste pas seul
affirme-t-elle. Le coût de la vie de plus en plus élevé, n’est pas de bon augure pour la famille Jeazet. En attendant des lendemains meilleurs, la famille parvient quand même à survivre grâce à la débrouillardise et à l’ingéniosité des parents.