À 30 ans, Madeleine Ndouma a fait de la coiffure homme son gagne-pain quotidien. Depuis 2020, les hommes se bousculent dans son salon pour se couper les cheveux. De son nom d’artiste, Mel l’intello, la jeune dame a su convaincre ses abonnés avec son adresse, tondeuse à la main. Rencontrée dans son salon sis au quartier Anguissa à Yaoundé, elle est à l’œuvre sur la tête d’un client. Armel, 23 ans, un habitué de « la maison », apprécie avec satisfaction le résultat.
Quand tu viens chez Mel intello barber, tu n’as aucun doute sur ta coiffure. Tu as la garantie qu’elle va te coiffer exactement comme tu veux. Elle fait très bien son travail. C’est la raison pour laquelle je suis fidèle à son salon de coiffure. Même si je dors, je sais que je ne serais pas déçu,
explique le jeune homme.
Mon talent, ma force
Le salon à peine ouvert, les clients affluent. C’est dans une pièce de trois mètres carrés que Mel mène son activité. Des modèles de coiffure habillent les murs. Un grand miroir rectangulaire permet aux clients d’être témoins de l’évolution de leur coiffure. Certains attendent leur tour de passage sur un espace aménagé pour la circonstance. Après une dizaine de minutes d’attente, Ulrich Pharel quitte son siège et se dirige vers la commode. Elle sert de support au matériel de travail de Mel. Tondeuses, peignes, poudre pour barbe sont disposés de part et d’autre. Le jeune homme tend la main vers un coin précis de la table. L’on y aperçoit une boîte de couleur blanche qui servait visiblement de contenant pour l’huile de cheveux. Dans cette boite, Ulrich prend un peigne à queue qu’il utilise pour redonner forme à ses cheveux crépus. Exercice qu’il réalise en donnant quelques indications à sa coiffeuse.
Grande sœur, je veux que tu me tapes une ‘’kengor’’,
lance-t-il.
Avec ou sans dégradé ?,
réplique-t-elle.
Après ce bref échange, le client rejoint sa place. S’il a traversé bon nombre de salons de coiffure avant de chuter chez Mel intello barber, c’est pour une bonne raison.
J’étais un peu sceptique la première fois que je suis entré dans ce salon. Comme elle avait déjà coiffé un ami, je me suis dit, pourquoi pas essayer ? Depuis ce jour-là, je suis resté parce qu’elle a su faire ce que je lui ai demandé. Je suis vraiment satisfait de ma coiffure,
argumente Ulrich Pharel.
Madeleine s’est retrouvée dans cette activité par passion. Après quatre ans au service d’un tiers, elle s’est mise à son compte, il y a presque trois semaines. Une initiative soutenue par sa clientèle.
Je me disais que cela allait être très dur pour un début. Je m’inquiétais pour rien, parce que certains de mes clients m’ont suivis dans cette nouvelle aventure. J’ai lancé une promotion pour me faire connaître davantage. Je coiffe à 500 FCFA et je mets le black à 1000 FCFA. Cela me permet également d’attirer de nouveaux clients,
dévoile Mel l’intello.
Transcender les conventions sociales
Pour évoluer dans cette activité, Ndouma s’est élevée au-dessus des conventions sociales qui laissent croire à un « métier » réservé aux hommes. Soutenue par son entourage, elle espère à terme, diversifier ses activités.
La plupart de mes amis apprécie le fait que je me lance dans la coiffure, puisqu’ils ont constaté que je m’en sors très bien avec une tondeuse. Du côté de ma famille, il y a eu des questions : pourquoi est-ce que tu as choisi la coiffure ? Elle était un peu sceptique à l’idée que je fasse la coiffure pour hommes. Mais, quand je leur ai dit que je le faisais par passion, leurs réserves ont disparu. Depuis lors, tout le monde a accepté la situation. Dans ces conditions, j’envisage même d’ouvrir un salon de beauté plus tard,
argue la coiffeuse.
L’engagement de Madeleine Ndouma dans une activité considérée comme réservée aux hommes vient briser les barrières érigées par une société qui se veut patriarcale.