Il y a un an, jour pour jour, une quarantaine de personnes périssaient sous les décombres suite à l’effondrement d’un immeuble R+4 au lieu-dit « derrière Mobil Guinness », dans le quartier Ndogbong, à Douala. Douze mois que la douleur continue de ravager le cœur des rescapés de ce drame survenu dans la nuit du 22 au 23 juillet 2023. Une circonstance douloureuse dont ils se souviennent comme si elle datait d’hier.
Pour marquer l’an un de cet événement malheureux, qui a coûté la vie à une quarantaine d’habitants de l’immeuble, d’après le décompte officiel, les personnes ayant survécu à cette tragédie ont organisé, le samedi 27 juillet 2024, à Douala, une messe d’action de grâce en mémoire de ceux qui n’ont pas eu la chance comme eux. La célébration eucharistique a eu lieu sur le site où s’était effondré l’immeuble de quatre niveaux, au lieu-dit « derrière Mobil Guinness » en présence des familles des disparus et de celles des rescapés.
Un site qui n’a pas été rebâti depuis le drame, et que les herbes ont envahi durant ces douze derniers mois, comme Album Social a pu le constater, trois mois plus tôt. Deux petits enfants, âgés d’à peine sept ans s’amusent alors près du terrain broussailleux au moment où nous y sommes. L’une est en tenue de classe, alors qu’il est à peine douze heures.
La messe d’action de grâce organisée samedi dernier, a été précédée par le nettoyage du site en hommage à la mémoire des victimes de la catastrophe. L’officiant a précisé qu’il s’agit de célébrer l’espérance plutôt que la mort.
L’église tout entière a partagé ces souffrances et ces douleurs et, à travers cet anniversaire, nous sommes tout juste venus réitérer la consolation que Dieu a toujours apportée à tous ceux qui sont victimes des situations dramatiques. Ce drame, on ne peut jamais le comprendre. Mais, nous sommes réunis pas pour célébrer la mort, ni la fin dramatique, mais célébrer l’espérance,
a affirmé le célébrant de l’office religieux.
Déploiement tardif des sapeurs-pompiers
Pour nous, c’est toujours comme si c’était hier, et c’est avec une vive émotion quand on y pense. Ça pouvait arriver à n’importe qui,
a, pour sa part, déclaré le représentant du bloc « Guinness »
Il a par la suite pointé le retard des secours, et plus particulièrement, le déploiement des Sapeurs-pompiers, arrivés sur le lieu du sinistre le lendemain après 9 heures, alors que l’immeuble s’était effondré depuis minuit. Il a en outre déploré le manque d’anticipation de la part des autorités.
Dans la nuit du 22 au 23 juillet 2023, Mabelle Mouelle Njolle s’est retrouvée coincée entre des blocs de béton, comme des dizaines d’autres résidents de l’édifice R+4, baptisé depuis lors « l’immeuble de la mort de Ndogbong ». Elle résidait au quatrième et dernier étage.
A 23 h 46, l’immeuble a fait un signal. Donc, ça a fait vibrer le lit. Je me suis dit que c’était mon voisin de derrière qui était en train de manipuler ses appareils de musique, puisqu’il était animateur. En plus les gens montaient les escaliers. Donc, je ne pouvais pas imaginer que c’était déjà le signal. A un moment, l’immeuble est tombé tout d’un coup. J’ai vu mon écran tomber et la fenêtre est venue vers moi. J’ai ensuite pris appui contre mon lit. Dès lors que je ne parvenais pas à respirer, je ne sais pas où j’ai pris la force pour enlever tout ce qui était au-dessus de moi. Mon pied était coincé entre les parpaings,
se souvient Mabelle Mouelle Njolle.
Un gendarme décédé après deux jours en vie sous les décombres
Le gendarme Tchatcho Nyamsi n’a pas eu la même chance. Il a péri, faute d’avoir été secouru à temps. Il a été retrouvé sous les décombres deux jours après l’effondrement et n’a pas pu être sauvé. Il a rendu l’âme aussitôt qu’il est arrivé à l’hôpital. Ce soir-là, c’est de justesse que sa fiancée, Princesse échappe à la tragédie. Depuis son accouchement, la parturiente s’était retirée chez ses parents, à un jet de pierre de l’immeuble de la mort pour allaiter leur bébé de deux mois.
Aux environs de minuit 5 minutes, j’ai entendu un énorme bruit, comme une explosion. J’ai d’abord cru un moment que c’était le transformateur qui explosait parce que, quand ça s’est passé, la lumière s’est coupée (…) Lorsque nous sommes sortis, on ne voyait rien devant nous. Juste un nuage de poussière blanc. C’est une voisine qui dit que l’immeuble d’en face est tombé. Je me rends compte que mon fiancé est à l’intérieur avec sa nièce,
raconte la jeune femme.
Princesse est l’une des premières personnes à accourir sur le lieu du drame, car elle se trouvait dans la maison de ses parents située en face. Et son nourrisson, en pleurs, ne lui laissait pas de répit ce soir-là.
Mabelle Mouelle Njole, elle, revient de très loin. La jeune femme, vendeuse de mèches en ligne, a été extraite des décombres in extremis. Une épreuve qu’elle parvient difficilement à tourner la page.
Un an après, ce n’est pas évident. Mardi, le 23 (juillet 2024), ça a fait un an net, mais l’émotion était toujours là. Ce n’est pas facile d’oublier tout comme ça, mais j’espère qu’avec le temps qui vient, je vais pouvoir oublier
raconte-t-elle.
Princesse, elle, a intérêt à oublier ces épisodes douloureux, pour le bien-être de sa progéniture.
J’essaie seulement d’être forte pour mon enfant. Donc, je me suis promis de ne plus pleurer, parce que j’ai un bébé qui a besoin de moi, qui doit grandir dans la joie et non dans la tristesse,
confie celle qui l’a échappé belle.