Sur le site de déplacés de Kousseri, baptisé « Camp militaire », l’ambiance est empreinte d’espoir, ce matin-là. Parmi les abris de fortune, un éclat de rire se distingue. Lareh, 14 ans, sourit à pleines dents en manœuvrant son tout nouveau tricycle. Pour elle, cette aide est bien plus qu’un moyen de transport : c’est un tremplin vers la liberté. Lareh est née avec un handicap moteur. Avant de recevoir ce tricycle offert par l’UNICEF, elle se déplaçait en rampant dans la poussière du camp, ses genoux blanchis et sa robe marquée par la terre.
Vivant avec sa mère dans ce site de sinistrés, la jeune fille rêvait secrètement de pouvoir un jour aller à l’école.
Je suis très heureuse. Je vais pouvoir aller à l’école et me déplacer plus facilement,
confie-t-elle, le regard pétillant de bonheur.
Sa mère, veuve et sans emploi, n’a jamais eu les moyens de la scolariser. Pendant des années, Lareh a vu les autres enfants se rendre dans les salles de classe improvisées du camp, sans jamais pouvoir les rejoindre. Mais aujourd’hui, tout change. Grâce à l’accompagnement de la travailleuse sociale de la Délégation départementale des Affaires Sociales du Logone et Chari, et avec le soutien technique de l’UNICEF, Lareh bénéficie d’un référencement scolaire pour l’année académique 2025-2026.
Mon rêve, c’est de devenir enseignante. Je veux aider les enfants qui, comme moi, n’ont pas eu la chance d’aller à l’école tôt,
affirme-t-elle avec détermination.
Ce rêve semblait inatteignable, il y a encore quelques jours. Mais avec ce tricycle, Lareh se sent prête à rattraper le temps perdu, apprendre à lire, à écrire, et un jour, transmettre son savoir. À quelques mètres de là, Fatimé, 64 ans, ne cache pas non plus sa joie. Elle aussi a reçu un tricycle pour sa petite-fille Halima, atteinte d’un handicap moteur depuis la naissance. Depuis le décès de sa fille, Fatimé a pris en charge l’éducation et le bien-être d’Halima. Pour elle, ce tricycle est un soulagement inespéré.
C’est mon unique petite-fille. Sa mère est décédée quand elle n’avait que deux ans. Je l’ai toujours portée partout. En grandissant, ça devient de plus en plus difficile pour moi de la porter. Avec les inondations, cette tâche était encore plus pénible. Maintenant, grâce à ce don de l’UNICEF, je pourrai me déplacer plus facilement avec elle, et préserver ma santé également,
témoigne la grand-mère avec un soupir de soulagement.
Pour Halima et sa grand-mère, le quotidien était devenu un véritable parcours du combattant. Entre le déplacement vers le camp et les longues journées à chercher de l’eau ou à aller au Centre de santé, la charge était devenue insupportable pour Fatimé. Désormais, avec ce tricycle, elle peut se déplacer plus facilement, tout en offrant à Halima un peu d’autonomie.
Des roues pour l’avenir
Ces tricycles ne sont pas que des objets fonctionnels : ils symbolisent une avancée majeure vers l’inclusion des enfants handicapés dans les camps de déplacés. Lors des inondations de 2024, Kousseri a été durement frappée, contraignant des milliers de familles à trouver refuge dans des conditions précaires. Pour les enfants en situation de handicap, cette crise a exacerbé les difficultés déjà existantes. L’accès à l’éducation, à la mobilité et aux soins devient un défi quotidien. L’initiative de l’UNICEF s’inscrit donc dans un programme de réponse rapide aux urgences de protection des enfants, où chaque geste compte pour préserver la dignité et l’avenir des plus vulnérables.
La question de l’inclusion des enfants handicapés en contexte de crise reste cruciale. L’UNICEF souligne l’importance de prendre en compte les besoins spécifiques de chaque enfant lors des interventions humanitaires. « Ces tricycles sont bien plus que des moyens de transport : ils permettent aux enfants de participer à la vie sociale et scolaire, malgré les épreuves », explique un responsable du programme.
Pour Lareh, aller à l’école est désormais un rêve à portée de main. Pour Halima, se déplacer sans être portée est une libération. Ce geste de solidarité est un rappel que même en situation de crise, chaque enfant mérite de grandir dans la dignité et de croire en son avenir.
Alors que les effets des changements climatiques intensifient les catastrophes naturelles, la situation des personnes vulnérables devient de plus en plus préoccupante. L’UNICEF appelle à une mobilisation collective pour garantir que les enfants en situation de handicap ne soient pas laissés pour compte lors des crises humanitaires.
Ces tricycles incarnent aussi une invitation aux autorités et aux acteurs de la société civile à penser l’inclusion autrement. Pour que les enfants comme Lareh et Halima puissent réaliser leurs rêves, il faut des mesures concrètes et adaptées, qui garantissent leur autonomie et leur droit à l’éducation. Pour Lareh et Halima, ces roues sont la preuve que l’espoir est toujours possible, même dans les moments les plus sombres. À Kousseri, ces tricycles roulent vers un avenir où chaque enfant, quelle que soit sa condition physique, peut enfin avancer librement sur le chemin de la vie.