Lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme. Le gel de l’aide internationale américaine de ces trois programmes pour une durée de 90 jours provoque une onde de choc au sein de la population et de la société civile. Plus précisément, pour les organismes et autres ONG évoluant dans ce secteur. Ce programme, pilier de la lutte contre le VIH/Sida dans le pays, assure des soins gratuits à des milliers de patients. Aujourd’hui, ces bénéficiaires redoutent une rupture de leurs traitements, menaçant des années de progrès dans la lutte contre l’épidémie. Dans les régions de l’Extrême-Nord et du Nord-Ouest, où l’insécurité complique déjà l’accès aux soins, la situation est encore plus critique. Le personnel médical, qui dépendait largement des financements de l’USAID, s’inquiète pour la pérennité des services.
Nous avons des patients sous traitement depuis des années, et sans financement, nous risquons d’interrompre leur suivi. Ce serait une catastrophe sanitaire,
alerte un médecin engagé dans un centre de prise en charge du VIH.
Des répercussions bien au-delà du secteur de la santé
Si les conséquences immédiates touchent le secteur médical, elles s’étendent bien au-delà. Les financements américains soutenaient également des programmes humanitaires essentiels pour les déplacés internes et les réfugiés. Le camp de Minawao, situé à 30 km de la frontière nigériane à l’Ouest de la ville de Maroua au Cameroun qui, selon RFI, accueille plus de 77 000 réfugiés nigérians, pourrait voir ses services réduits, mettant en péril l’accès à la nourriture, à l’eau potable et aux soins de base. En parallèle, la suspension de l’aide crée un choc économique local. De nombreux Camerounais employés dans des projets financés par l’USAID, notamment dans la logistique et l’assistance humanitaire, se retrouvent sans emploi. Une situation qui aggrave le chômage et accentue la précarité dans les régions durement touchées.
Un réveil brutal pour les autorités et les ONG locales
Face à cette crise, les acteurs locaux sont contraints de réagir rapidement. Une réunion d’urgence organisée à Bamenda par exemple par le délégué régional de la Santé publique, représenté à cette occasion par le chef de la brigade des soins de santé, le Dr Ambe Lionel a permis d’explorer des pistes de solution : redéploiement des ressources existantes, recherche de financements alternatifs auprès d’autres bailleurs comme l’Union européenne et les agences des Nations unies, et plaidoyer pour une intervention accrue du gouvernement camerounais.
Dans un communiqué du ministère de la Santé publique, Manaouda Malachie, a réaffirmé l’engagement du gouvernement à garantir la continuité des services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, malgré la suspension des financements de certaines initiatives américaines, notamment le PEPFAR et le PMI. Ces programmes, qui interviennent dans 55 pays et bénéficient à plus de 20 millions de personnes, jouent un rôle clé dans la lutte contre ces maladies au Cameroun.
Le gouvernement a mené de façon expéditive une évaluation exhaustive de l’impact direct et potentiel de cette suspension sur les programmes du VIH/Sida, de la tuberculose et du paludisme, et a dégagé des actions de mitigation à court, moyen et à long termes pour assurer la continuité des activités de lutte contre les trois maladies,
indique le ministre dans un communiqué.
Avant de rassurer que l’État prendrait des mesures pour atténuer l’impact de cette suspension et rappeler l’importance de la Couverture Santé Universelle (CSU). Sans toutefois oublier d’appeler les formations sanitaires à maintenir leurs services. Toutefois, ces assurances restent floues sur le plan financier et logistique, et les ONG locales s’inquiètent de la capacité réelle du pays à absorber une telle perte.
L’arrêt temporaire du financement américain au Cameroun met en lumière la vulnérabilité des systèmes d’aide humanitaire et de santé face aux décisions politiques étrangères. Si des solutions d’urgence sont en cours d’élaboration, elles restent insuffisantes pour pallier les effets à long terme. Cette situation impose aux autorités camerounaises et aux ONG locales de repenser en profondeur leur modèle de financement et d’intervention, sous peine de voir des milliers de vies mises en péril.