Il est 19h40 minutes ce dimanche 14 juillet 2024 au quartier Emana à Yaoundé. Les vacances battent son plein. À l’entrée du bar dit « Bonanjo », l’on aperçoit un jeune d’à peine 12 ans, devant un comptoir de poulet braisé. Son travail, vendre cet aliment frit à la poêle. Il pratique l’activité depuis près de trois semaines.
Au départ j’accompagnais mon oncle pour l’aider dans son commerce, mais depuis que l’école est finie, c’est moi même qui gère l’espace. On fait la rotation,
nous informe le petit Paulin.
Et même si l’activité paraît reluisante pour ce dernier, il est cependant exposé à une pléthore de dangers.
Je pense qu’à cet âge, un enfant ne doit pas pratiquer une telle activité. C’est tellement dangereux pour lui. Il peut se faire brûler par le feu ou l’huile de friture ; il peut se couper les doigts ; pire un incident grave peut survenir suite à une mauvaise manipulation du gaz. Je pense qu’on ne devrait pas confier ce genre de travail aux enfants. Non !,
s’indigne Loïc Temgoua, un parent, sirotant un jus dans un bar au quartier Emana.
A quelques mètres de là, au lieu-dit Tradex Emana, des jeunes gens âgés entre 8 et 12 ans tiennent en mains des bouteilles d’eau glacée. Ces enfants présentent leur marchandise aux potentiels clients. Leur cible, les piétons et les automobilistes.
50F et 100F, l’eau glacée…,
entend-on çà et là.
Une routine devenue un credo pour ces enfants depuis qu’ils vendent de l’eau ici. Jean, un jeune commerçant vend de l’eau dans des contenants de demi, un et un litre et demi.
Ma mère puise l’eau et met au frais dans des bidons de 10 litres. Quand je dois sortir, elle met ça dans des bouteilles pour que je monte en route vendre,
indique-t-il.
Sur cette rue où les véhicules roulent à vive allure, ces enfants sont positionnés, tel des robots programmés pour présenter l’eau à vendre. Ce, malgré le froid et la brise qui souffle sur la ville à 20h16 minutes. En plus, ceux-ci sont exposés à tout instant à des risques d’accidents de la route.

Autre site, au carrefour Bastos, des enfants âgés de moins de 12 ans visiblement, arpentent les trottoirs, marchandise en mains. Dans ce qui leur sert de comptoir ambulant, l’on aperçoit des friandises et des mouchoirs. La nuit ne semble pas les arrêter. Aux alentours de 22h et 15 minutes, ils font le tour des bars et des restaurants de ce quartier huppé de la capitale camerounaise pour vendre leurs produits. « Lotus ! Bonbon mentholé !… S’il te plait tonton prend un lotus non… pardon tantine, fais-moi la recette », lancent-ils. Ces enfants devenus des « professionnels précoces », recherchant de l’argent, au mépris des dangers qu’ils courent loin des leurs parents.
Des dangers omniprésents
Selon des experts des sciences sociales et humaines, les activités génératrices de revenus menées par les mineurs, représentent une violation de leurs droits.
On peut y inférer un ensemble de risques et de périls auxquels la progéniture est exposée au quotidien. Par exemple, l’enrôlement dans les circuits de prostitution ; le proxénétisme ; les kidnappings ; les risques d’insécurité (certains enfants ne maîtrisent pas les feux de signalisation, encore moins les règles en matière de circulation urbaine), les risque de blessures, voire la mort,
indique Serge Aimé Bikoï, sociologue.
Pour lui, les parents devraient faire preuve d’une plus grande responsabilité et prudence dans le traitement de leurs enfants. A ce titre, ils pourraient rendre les périodes vacancières utiles pour leurs enfants en les inscrivant dans des activités ludiques et ou didactiques.
Aujourd’hui, il existe d’autres mécanismes utilitaristes. C’est-à-dire qu’il ne faut pas seulement s’intéresser au caractère pécunier des activités exercées par les enfants. On peut par exemple capitaliser le niveau d’instruction des enfants, notamment à travers des activités ludiques ou récréatives et intellectuelles. Il y a des bibliothèques qui existent dans des centres urbains, où les enfants peuvent aller pour se cultiver moralement, spirituellement et s’épanouir intellectuellement,
souligne Serge Bikoï.
Pour rappel, la loi du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants punit d’un emprisonnement allant de 10 à 20 ans et d’une amende de 10 000 à 10 millions de FCFA toute personne qui s’adonne à des actes d’exploitation, de trafic, de traite ou de mise en gage d’enfants. En cette saison de vacances, les parents sont appelés à plus de responsabilité, pour ne pas faire payer le lourd tribut aux jeunes mineurs.