Le lieu-dit Messi, un bloc du quartier Elig-Edzoa dans la ville de Yaoundé, bien que très enclavé, ne voit pas d’un œil, l’implémentation imminente du projet Yaoundé, Cœur de ville. Pourtant, ici, il n’y a aucune voie de circulation aménagée. Pour pouvoir se déplacer dans ce bloc, les populations ont érigé des ponceaux faits à base de planches. Lesquels tiennent difficilement face aux pluies.
Dans ce bidonville, coule une rivière qui se déchaîne à chaque pluie tombée, empêchant tout déplacement. « Il y a des moments qu’il peut pleuvoir le matin, et ça entraîne la montée des eaux. Or, les enfants doivent aller à elle, mais il leur est impossible de sortir du quartier ; ce qui perturbe énormément leurs études. Il y a des jours que tu peux sortir, puis, il pleut entre temps, et à ton retour, tu ne parviens plus à rentrer dans ta maison, parce qu’il a plu », explique le jeune Cédric Nbeunda, résidant du quartier. « Les eaux ne sont pas drainées, il n’y a aucune canalisation. Je pense que le gouvernement doit penser à canaliser les eaux qui ruissellent partout ici », ajoute-t-il.
En plus du manque de voie de canalisation des eaux, la promiscuité ce bloc de quartier favorise la prolifération des maladies hydriques, le développement de la délinquance et augmente les risques d’incendie. Une situation pénible pour les occupants de cette zone pourtant limitrophe des quartiers résidentiels de la capitale, notamment Bastos, Santa Barbara, Mfandena et Manguiers. « En réalité, nous avons un véritable problème d’urbanisation, parce que les gens ont bénéficié des largesses des autochtones qui en plus de vendre des lots vendables, ont également vendu des lots qui ne l’étaient pas. Le résultat, c’est que les gens ont construit sur des lots qui n’étaient pas prévus pour accueillir des habitations », explique Serge Benoît Tsala, président du conseil des jeunes d’Elig-Edzoa qui vit ici depuis une quarantaine d’années.
Illégalité
Dans ce quartier où le taux de chômage tourne autour de 90%, ils ne sont pas nombreux, les propriétaires de maisons qui détiennent un titre foncier. Pourtant, cet îlot du quartier Elig-Edzoa fait partie des zones qui seront touchées par le projet Yaoundé Cœur de ville, dans le cadre du Contrat de Désendettement-Développement (C2D) financé en grande partie par la France. « Il n’y a pas plus de quatre titres fonciers dans ce quartier. Nous appelons le gouvernement de venir restructurer le quartier. Nous souhaitons que ceux qui sont là de façon illégale soient recasés au même titre que ceux qui disposent des documents terriens. Sinon cela pourrait être considéré comme une injustice sociale pouvant causer des remous », exhorte le président du conseil des jeunes d’Elig-Edzoa.
Pour le chef de quartier (bloc Djoungolo IV Messi), Sa Majesté Jean Tinguen, la plupart de ces habitants occupent illégalement la zone. « Il y a eu beaucoup de tolérance administrative. Vous allez observer des gallots à l’entrée du quartier, c’est pour matérialiser la route » Une route qui s’étendra jusqu’au quartier Manguiers, précise-t-il. Le chef du bloc. Qui explique également qu’auparavant, une route passait par le quartier, mais l’occupation des populations a rendu désormais impossible cette circulation. « Il y a de cela huit mois, nous avons tenu une réunion rassemblant tous les habitants du quartier. Nous leur avons dit que la route va passer et que ceux qui sont sur les emprises commencent à partir d’eux-mêmes », précise SM Jean Tinguen.
Pour la plupart des habitants, leur présence se justifie par le fait qu’ils n’ont pas d’autres endroits où résider. Et, avec le projet routier en cours, ils craignent de se retrouver désormais dans la rue. « La vraie question qu’il faut se poser maintenant, c’est comment arranger un mal sans causer un mal beaucoup plus grand. Parce qu’il y a un problème de pauvreté. On rencontre de nombreux cas sociaux par ici. Il y a des gens qui n’ont pas où aller », souligne Serge Benoît Tsala, président du conseil des jeunes d’Elig-Edzoa.
Le projet Yaoundé cœur de ville
Le gouvernement camerounais et l’Agence Française de Développement ont signé la convention de financement partiel du projet Yaoundé Cœur de ville, le 4 février 2022 à Yaoundé. D’un montant de près de 44 milliards FCFA, ce projet est piloté par la Communauté Urbaine de Yaoundé et vise à améliorer de manière significative la mobilité urbaine dans certaines zones prioritaires du centre-ville de la cité capitale camerounaise.
Le projet a prévu parmi ses actions, les aménagements structurants des carrefours Mvan, Elig-Effa et surtout du carrefour Elig-Edzoa, principal nœud de liaison entre le centre-ville et les quartiers résidentiels de l’Est de la capitale. Cela se fait par les réaménagements légers (reprise des chaussées et assainissement, trottoirs, installation de feux de signalisation, traversées piétonnes, implantation d’arrêts pour les taxis collectifs, etc.), le traitement de la voirie aux abords, peut-on lire sur le site web de la Communauté Urbaine de Yaoundé. Le projet a également prévu l’indemnisation et l’accompagnement des personnes affectées par la mise en œuvre de ce projet. En attendant le démarrage des travaux ici à Elig-Edzoa, les riverains espèrent être relocalisés par l’État dans de logements décents, répondant aux règles d’urbanisation.