Le 25 avril, Journée mondiale de lutte contre le paludisme, offre une nouvelle occasion de se mobiliser face à un fléau qui continue de faire des ravages au Cameroun. Malgré des efforts continus, la maladie reste la première cause de morbidité et de mortalité dans le pays. Chaque année, environ 6,7 millions de personnes sont infectées, et près de 6 000 en meurent. Des chiffres alarmants, accentués par une recrudescence constatée ces derniers mois, notamment dans les régions du Centre, de l’Est et de l’Extrême-Nord.
Cette hausse des cas s’explique par plusieurs facteurs : d’abord, les conditions climatiques favorisent la prolifération des moustiques. Ensuite, l’urbanisation rapide, sans planification sanitaire, crée des zones de stagnation d’eau propices à leur multiplication. Par ailleurs, certaines populations, notamment en zones rurales, restent peu sensibilisées aux gestes de prévention. Enfin, des ruptures ponctuelles de médicaments ou de moyens logistiques compliquent l’accès aux soins dans les zones enclavées.
Mais le ton a changé : fini la dépendance, place à la mobilisation nationale. Le ministre de la Santé publique, Dr Malachie Manaouda, a dressé un bilan lucide et porteur d’espoir :
Aucun patient n’est resté sans traitement, malgré le gel de l’appui américain.
La réponse du gouvernement s’est voulue ferme et proactive : intensification de la distribution de moustiquaires imprégnées ; renforcement de la prévention chez les femmes enceintes ; recours aux moustiquaires de nouvelle génération, et surtout, l’introduction du vaccin antipaludique RTS,S dans 42 districts depuis janvier 2024. Une première en Afrique centrale, qui replace le Cameroun dans le cercle des pays pionniers.
Des cibles particulièrement vulnérables
Les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans demeurent les principales victimes du paludisme. Selon les experts, chez les femmes, l’infection peut entraîner de graves complications, tant pour la mère que pour le fœtus, augmentant le risque de fausse couche, de naissance prématurée ou de faible poids à la naissance. Chez les jeunes enfants, le paludisme est souvent fulgurant. Il provoque des formes graves telles que l’anémie sévère ou les convulsions, qui peuvent se révéler mortelles en l’absence de traitement rapide. Ce constat impose des réponses ciblées, adaptées à ces profils à risque.
Depuis plus d’une décennie, le Cameroun déploie une stratégie multisectorielle de lutte contre le paludisme. La distribution gratuite de moustiquaires imprégnées a été généralisée à travers les campagnes de masse et les consultations prénatales. Ces moustiquaires ont permis de couvrir une grande partie des ménages, même si leur renouvellement régulier reste un défi. Des tests de diagnostic rapide ont été introduits dans les centres de santé, facilitant une prise en charge plus rapide et fiable.
Le gouvernement a également soutenu la formation d’un grand nombre d’agents de santé communautaires, qui assurent la sensibilisation, le dépistage et la prise en charge précoce dans les zones reculées. Des centres de traitement ont été implantés dans les régions les plus touchées, notamment dans l’Extrême-Nord et l’Est, afin de rapprocher les soins des populations. Une innovation majeure a aussi vu le jour : une ligne verte gratuite a été lancée, permettant aux citoyens d’obtenir des conseils en plusieurs langues locales sur la prévention et la gestion des cas de paludisme.
Le vaccin antipaludique, une percée prometteuse
Le Cameroun est entré dans une nouvelle ère avec l’introduction du vaccin RTS,S, intégré depuis janvier 2024 dans le programme national de vaccination. Actuellement déployé dans 42 districts sanitaires, ce vaccin cible les enfants à partir de cinq mois, avec un schéma de quatre doses. Les premiers résultats montrent une réduction significative des cas graves. Cette avancée est saluée, tant par les professionnels de santé que par les parents, qui y voient une alternative supplémentaire aux moustiquaires et aux traitements classiques.
L’intégration de ce vaccin s’est accompagnée d’une vaste campagne de sensibilisation. Des relais communautaires ont été mobilisés pour expliquer le fonctionnement du vaccin, dissiper les craintes, et encourager l’adhésion. Les autorités sanitaires insistent sur le fait que le vaccin ne remplace pas les autres mesures de prévention, mais les renforce, en s’inscrivant dans une approche globale. Dans plusieurs localités, les chefs traditionnels, les maires et les responsables religieux ont été intégrés dans les comités locaux de lutte contre le paludisme.
Cette approche participative permet d’ancrer les actions de santé publique dans les réalités sociales et culturelles de chaque communauté. Des conventions de partenariat ont été signées avec plus de 60 communes, les engageant à intégrer la lutte contre le paludisme dans leurs plans d’action. Ces engagements se traduisent par des campagnes locales de sensibilisation, des efforts de nettoyage des zones marécageuses, et un appui logistique aux centres de santé.
Quand la solidarité nationale remplace l’aide suspendue
Le début de l’année 2025 a été marqué par une décision inattendue : la suspension temporaire de l’aide américaine, l’un des principaux partenaires du programme national de lutte contre le paludisme. Ce choc financier aurait pu perturber la chaîne d’approvisionnement en médicaments et moustiquaires. Pourtant, le Cameroun a rapidement pris les devants. D’après le Dr Malachie Manaouda, le gouvernement a puisé dans ses propres ressources pour assurer la continuité des soins et garantir que les patients ne soient pas laissés pour compte.
Parallèlement, un plan d’autonomisation du financement de la lutte antipaludique a été lancé, avec l’appui du Fonds mondial et de l’OMS. L’objectif est clair : réduire la dépendance extérieure et bâtir un système de santé plus résilient. Le paludisme n’est pas invincible. Le Cameroun le prouve en se dotant d’outils, de stratégies et d’une volonté politique qui marquent un véritable tournant. Mais la réussite dépendra aussi de l’engagement individuel et collectif.
Chaque citoyen a un rôle à jouer, que ce soit en dormant sous une moustiquaire, en se faisant dépister dès les premiers signes, ou en sensibilisant son entourage. Dr Manaouda résume cette dynamique dans une formule simple mais puissante : « Le paludisme s’arrête avec nous ». Plus qu’un mot d’ordre, c’est un appel à transformer une crise en opportunité, et à inscrire durablement la santé publique dans le développement du pays.