1972-2024. 52 ans que l’École spécialisée pour enfants déficients auditifs (Eseda) a fait de l’inclusion socio-professionnelle, sa motivation quotidienne. L’établissement accueille des enfants souffrant de handicaps multiformes. Des déficients auditifs aux handicapés moteurs, en passant par les déficients intellectuels, tous trouvent leur place dans cette institution. Depuis sa création en 1972, l’Eseda a à cœur la prise en charge des personnes handicapées.
L’objectif de l’Eseda, c’est de donner les possibilités d’éducation à l’enfant déficient auditif surtout. Lui donner les moyens de s’insérer dans la société. Cette école a été créée parce qu’on s’est rendu compte que le handicap auditif était lésé par rapport aux autres. On ne se rend compte de cette forme de handicap que lorsque le besoin de communication se fait ressentir. Avec l’inclusion, nous travaillons également avec les enfants souffrant d’autres handicaps
explique Francine Akono, Directrice de l’Ecole spécialisée pour enfants déficients auditifs. Cette école est constituée d’une quinzaine de salles de classe et d’une vingtaine d’encadreurs. A bonne distance, l’institution affiche fière allure. Les bâtiments aux couleurs rose et blanche accueillent 150 élèves aujourd’hui. Des chiffres en baisse par rapport à l’effectif de l’année dernière. Pour la directrice, cela est la preuve que l’inclusion est une réalité au Cameroun.
La formation, une nécessité
L’Eseda offre aux enfants à besoins spéciaux, un cadre adéquat pour leur apprentissage. Ce 7 avril 2024, il est 10h. l’heure est à l’initiation à l’écriture à la maternelle pour déficients mentaux. Craies et ardoises en mains, les tout-petits s’efforcent de suivre les consignes de la maîtresse. Dans une salle d’environ 4m², sur la dizaine d’apprenants qu’elle compte, une élève se démarque par son éveil. La fillette ne cesse d’aller vers son institutrice pour présenter son travail.
Pourquoi tu commences par « i » ? Parce que tu es gauchère ? Retourne t’asseoir et commences par « m », indique la maîtresse à son élève. L’apprentissage est lent, mais la passion de l’enseignante pour son métier est grande :
Je m’occupe des enfants vivant avec des troubles mentaux : l’autisme, les IMC, etc. Généralement, lorsqu’ils sont à la maison, nous envoyons les exercices à leurs parents avec le mode d’emploi. On leur enseigne comment suivre l’enfant à la maison. En retour, ces derniers nous font part des difficultés rencontrées. Je suis attachée à ces enfants parce que j’ai eu une amie tétraplégique en classe de première. Cela m’a conduit ici aujourd’hui. C’est également ma motivation pour m’assurer que les enfants sont bien suivis
laisse entendre Célestine Nkete Fatoume, enseignante.
Dans les couloirs de l’Eseda, en classe de 7e année, l’équivalent du CM2 dans un cursus normal, les élèves déficients auditifs préparent le CEP, leur premier examen officiel. Les révisions vont bon train. Les enseignants croient au potentiel des apprenants malgré un processus de compréhension lent.
Ils sont soumis aux mêmes épreuves que les candidats valides. Exception faite au niveau de la dictée. Puisqu’ils sont sourds, on leur propose un texte avec des réponses au choix. Je suis confiant quant aux performances de nos candidats à cet examen
explique Merlin Deffo Sadeuh, enseignant spécialisé pour déficients auditifs.
Un cadre favorable à la professionnalisation
L’Éseda est également un cadre où l’insertion professionnelle des personnes handicapées trouve tout son sens. De la couture à l’artisanat, en passant par la poterie, l’Ecole propose des formations à ses pensionnaires à travers son Centre artisanal. Le bâtiment situé près de la façade gauche de l’Ecole des infirmiers de l’Université catholique d’Afrique centrale abrite les ateliers de couture et de céramique. En s’y rapprochant, le bruit des machines à coudre attire l’attention. Dans une salle aux allures d’entrepôt, des apprentis s’exercent à la couture. Sur les étagères comme sur les murs, sont exposées les œuvres de ces derniers. Devant les machines ou les perles, la concentration est au rendez-vous.
Ambiance similaire à l’atelier de céramique. Certains des pots à base d’argile disposés sur les établis ont été réalisés par les apprenants, sous l’encadrement de Patrice Kouma, un encadreur muet. Cette initiative offre aux élèves déficients dont la compréhension est plus lente, le moyen de s’insérer dans le marché de l’emploi.
Je suis très contente au regard de leurs performances. Moi-même, je suis sourde et handicapée. Leur évolution est encourageante. Ils sont comme moi. Ils parviennent à surpasser leur handicap. Je remarque qu’ils apprécient bien le travail à la main : la poterie, la couture et les autres activités. Ils s’adonnent vraiment au travail. C’est bon pour leur avenir
félicite Bernadette Mbezele, responsable du Centre artisanal de l’Eseda.
L’inclusion par le sport
L’Eseda dispose d’installations sportives en son sein. En contrebas du bâtiment administratif, un terrain de basket et de handball sont à la disposition des pensionnaires. Pour les tout-petits de la maternelle, un espace ludique a été aménagé. La surface couverte du sable, communément appelé « Sanaga » comprend des équipements pour des jeux divers. Les enfants qui s’y aventurent s’amusent. Les bruits qu’ils émettent témoignent de la joie qui les anime.
Une mission difficile
De 1972 à nos jours, le chemin vers l’atteinte des objectifs aura été long et parsemé d’embuches. Malgré les efforts fournis, l’institution reste confrontée à de nombreux problèmes.
L’Eseda est une école privée engagée dans le social. A ce titre, nous avons besoin d’un accompagnement. Nous ne pouvons pas que compter sur les frais de scolarité des élèves comme dans d’autres établissements privés pour payer le personnel. Nous comptons sur les donateurs et sur l’Etat qui nous soutient déjà par le biais du ministère de l’Education de base. Nous comptons également sur les âmes de bonne volonté pour poursuivre notre mission sociale, parce que nos enfants handicapés sont en grande partie issus des familles démunies
lance la directrice de l’Ecole, Francine Akono. Rappelons qu’en juillet 2023, la Fondation Kylian Mbappé a rénové cet établissement.