Un mois, jour pour jour, que Jacqueline et sa famille vivent à la belle étoile. Cette famille et plusieurs autres habitants du Camp SIC des Camerounais ont été expulsés de leurs habitations. Depuis lors, bon nombre d’entre eux ont élu domicile autour des bâtiments. Sur les lieux, l’appartement jadis occupé par Jacqueline est barricadé par des planches. Impossible d’y entrer. Sur la véranda, matelas et sacs contenant des vêtements y sont entreposés, à l’abri de la pluie. Au milieu du petit espace apparemment réservé aux véhicules, le reste des objets de valeur de la maison. Ils sont couverts par une bâche imperméable. L’espace entre le mur du bâtiment et celui de la clôture sert de toilette. Les enfants y prennent leur bain. À bonne distance, l’on aperçoit une fillette d’environ 10 ans se laver les pieds. Cette situation est le résultat, précise-t-on, d’une escroquerie foncière.
J’ai donné 400 000 F en main, j’ai rénové la maison à 150 000 F et j’ai fait installer l’électricité à 50 000 F, ce qui portait les dépenses totales à 600 000 F. Lorsqu’on a demandé la garantie qui nous met à l’abri en cas de problème, ils nous ont demandé de fournir deux demies cartes photos et la photocopie de la CNI pour qu’ils établissent les badges. L’on devait présenter les badges aux agents du MINHDU en cas de besoin pour prouver que nous sommes à jour. Jusqu’aujourd’hui, nous n’avons jamais eu ce badge,
explique Jacqueline Mbarga Onana, victime de l’expulsion.
Autre victime de cette escroquerie, Jean-Marie. L’homme, la soixantaine sonnée a également été mis à la porte par des agents de l’Etat. Le père de famille a donné la somme de 400 000 FCFA à ceux qu’il identifie comme étant des employés du ministère de l’Habitat et du Développement urbain. Des frais représentant le loyer d’un appartement de deux chambres, trois douches, une cuisine et un salon. Depuis plus de trois semaines, Jean-Marie n’a pas dormi sur un lit. Il passe ses nuits sur un canapé installé au coin d’un bâtiment au Camp SIC des Camerounais à Olembé. Pour échapper aux pluies qui arrosent la capitale ces derniers jours, il se rend chez un proche.
Ce film d’horreur commence, le jeudi 24 avril 2024. À peine parti de chez lui pour vaquer à ses occupations quotidiennes, Jean-Marie est rappelé en urgence à la maison. Les autorités ont envahi les lieux. Dans une opération de déguerpissement, ils ont expulsé ces familles.
Ce matin-là quand j’arrive au travail, je reçois un appel de la sœur qui m’informe que la gendarmerie, la police et le sous-préfet sont au Camp SIC. Ils cassent les portes et jettent tout ce qui se trouve dans les maisons. Lorsque j’ai entendu cela, je suis rentré en courant. J’ai trouvé plus de 50 hommes en uniforme sur place. On leur a demandé en vain ce qui se passe. Ils ont même arrêté ma sœur. Quand ils entraient chez toi et qu’ils trouvaient de l’argent, ils partaient avec. Beaucoup de choses se sont gâtées dans cette opération. Cela fait un mois qu’ils nous ont jetés dehors et ont scellé les portes. Il y a deux semaines, les gardiens sont venus reloger deux habitants. Nous autres attendons encore,
explique Jean-Marie.
À ce jour, les victimes de cette autre escroquerie foncière réclament justice. Depuis quelques années, ce phénomène gagne du terrain au Cameroun. De nombreuses familles en sont victimes.