Nadège Carine EDA, est une jeune camerounaise, propriétaire d’un atelier de couture au quartier Mvan, plus précisément au lieudit complexe BEAC dans la ville de Yaoundé. Son amour pour la couture a commencé dès son bas âge, lorsque sa grande mère offrit une machine à coudre à sa mère.
Ma mère, elle, n’aimait pas la couture. A cette époque-là, j’étais à l’école primaire. Dès que ma mère sortait pour le travail, j’ouvrais la machine pour l’utiliser. J’ouvrais même parfois avec la fourchette. Je voulais pédaler chaque fois. Quand maman venait demander la personne qui a touché à sa machine, mes petits frères avaient peur de dire que c’est moi ; mais un jour, j’ai finalement avoué à ma mère que c’est moi qui ouvre souvent sa machine quand elle n’est pas là, et elle ne s’est pas fâchée,
raconte Nadège.
Passionnée par l’activité, la jeune fille intègre alors un collège privé en fin de cycle d’études primaires, et opte pour la série de l’industrie de l’habillement (IH). C’était là le début d’une longue aventure dans le domaine de la couture.
Transformer la différence en audace
Nadège tient debout à l’aide d’une béquille, à cause de son handicap au pied droit. Un handicap qui n’était pas présent à sa naissance :
ma mère dit que je ne suis pas née handicapée. J’ai commencé à marcher à partir de sept mois. Et je suis tombée malade à neuf mois, j’ai eu un excès de palu,
précise-t-elle.
Toutefois, son handicap ne l’empêche pas de pédaler sur la machine à coudre à longueur de journées. Dans son atelier, Nadège confectionne des vêtements pour hommes, femmes et enfants :
Je couds des robes, des tenues simples pour les mariages que quelqu’un peut porter et aller à un mariage avec, je fais des kaba, des pantalons en pagne pour les hommes, des boubous hommes, les tenues de classe pour les enfants,
informe-t-elle.
A travers cette activité, Nadège parvient à vivre et à prendre soin de sa famille :
J’ai mon enfant qui va à l’école. Heureusement je parviens à payer ses soins de santé lorsqu’il tombe malade, je paye la maison moi-même, tout cela grâce à la couture. Il y a des moments, je gagne des marchés pour la confection des uniformes scolaires ; mon plus gros marché m’a rapporté 350 000 FCFA,
indique-t-elle.
Et comme toute activité normale, Nadège rencontre souvent des difficultés :
Parfois, je couds les habits des clients, mais ils abandonnent cela dans mon atelier. Pourtant, j’ai dépensé de mon argent et de mon temps pour coudre le vêtement. D’autres choisissent bien leur modèle, et on s’y accorde, mais au moment de venir retirer, ils disent que ce n’est pas ça qu’ils voulaient. Les problèmes ne manquent jamais lorsque tu as affaire aux humains ; On fait avec,
affirme-t-elle, perplexe.
Le handicap mental est ce qui tue
Avant d’ouvrir son atelier de couture, elle était frustrée, mais avec le temps, elle s’est adaptée.
Le handicap, c’est quelque chose que coute que vaille tu vas mourir avec, et si tu acceptes, tu auras moins de problème, et puis, tu verras que tu peux t’en sortir dans toutes tes entreprises. Parce que, c’est quand tu montres que tu es malheureux que les gens te prendront dans ce sens-là », explique-t-elle. « Le handicap physique n’est pas effrayant, le handicap mental est ce qui vous tue,
pense-t-elle.
Une philosophie qui guide ses actions au quotidien et inspire son entourage.
Ceux qui la côtoient la qualifie de femme patiente, aimable et ouverte aux critiques.
Je recommande vivement à toute personne qui aimerait confectionner des vêtements de venir chez Nadège,
affirme Blanche ONANENA, une cliente qui fait coudre ses vêtements chez Nadège depuis 8 années.
Aujourd’hui, Nadège Carine souhaite agrandir son atelier afin de produire des uniformes scolaires en masse. Elle rêve de former, voire employer d’autres jeunes. Pour cela, elle compte sur l’appui des âmes de bonne volonté.