Il était loin de s’imaginer ce scénario pour son avenir. Martial Essimi, titulaire d’une licence en géographie mène une existence visiblement difficile. Le jeune homme de 30 ans vit aujourd’hui de la coiffure et de la peinture bâtiment. Deux activités qui, au départ, devaient lui permettre de payer son transport pour se rendre à l’université de Yaoundé I où il étudiait. Lorsqu’il se lance dans la coiffure en 2016, Martial gagne entre 2000 Fcfa et 2500 Fcfa par jour. Un salaire journalier réservé aux manœuvres dans les chantiers. Malgré les raccords, le patron est satisfait du travail de son jeune apprenti. Celui dont la tâche consistait à « rouler » s’est vu confier la supervision de certains sites.
A mesure que le temps passe, Martial Essimi prend ses marques dans la peinture bâtiment. Toutefois, la récompense ne suit pas. Les désaccords commencent à affecter sa relation avec son patron. La séparation entre les deux hommes est engagée. La raison évoquée par ce dernier est que ses idées ne sont plus prises en compte. Après deux ans aux côtés de l’homme qui l’a formé, Essimi estime être prêt pour de nouveaux défis.
Nous avons souvent eu des problèmes au chantier à cause des couleurs par exemple. C’est-à-dire que le client demande une couleur, et le boss veut gérer autrement, alors que c’est simple… Une autre fois, on m’a appelé pour faire un devis. Je l’ai fait et j’ai mis les coordonnées de mon boss. Lorsque le devis a été validé, on l’a appelé et il ne m’a pas informé. Au lieu de cela, il a exécuté le travail avec une autre équipe (ses collègues). Même là, la commission n’est pas satisfaisante…
explique-t-il.
Voler de ses propres ailes
Par dépit, il se sépare finalement de son patron en 2021. S’ensuit alors une « longue traversée du désert ». Véritable touche à tout, Martial se met au lavage des carreaux après l’exécution des chantiers. Ses outils de travail, de l’acide qu’il asperge sur le ciment collé sur le sol et l’éponge métallique avec laquelle il frotte. Cette situation ne s’éternise pas. Le jeune homme troque ses éponges contre pinceau et rouleau, lorsqu’il gagne son premier marché « solo ». Depuis lors, Sylvain compte une trentaine de réalisations. En juin 2024, son travail lui rapporte près de 150 000 FCFA. La même année, en mai, ses coups de pinceaux lors d’un autre marché lui valent un salaire de 200 000 FCFA.
Dans la foulée, Sylvain se lance dans la coiffure homme. Une activité que le trentenaire embrasse de façon inattendue. Il se rend très souvent dans le salon de coiffure de l’un de ses amis pour quelques parties de damier. Peu à peu, le divertissement laisse place à l’exercice. Il pratique d’abord sur les têtes des enfants. Là, le coiffeur en herbe se cantonne aux « boules à zéro ». Avec cette nouvelle activité, Martial Essimi se bat au quotidien pour épargner la somme de 2000 FCFA. L’option choisie pour atteindre cet objectif, une cotisation journalière de 2000 FCFA. Une somme loin d’être suffisante pour atteindre ses objectifs : poursuivre ses études et payer les frais de scolarité de sa fille de cinq ans, inscrite en nursery one dans une école de la place.

Le rêve brisé
Battant et dynamique, Essimi s’inscrit en Master I géographie à l’Université de Yaoundé I. Les difficultés le poussent à enterrer son ambition de soutenir une thèse de doctorat. Plein d’espoir, il renoue avec le chemin de l’école quelque temps après cet épisode. Cette fois, c’est au sein de l’Institut supérieur d’agriculture et de gestion d’Obala (Isago). Il est admis au concours d’entrée dans cette institution universitaire en 2022. Là encore, le jeune homme se heurte à un mur : les moyens financiers. S’arrêter en si bon chemin n’est pas une option. Ceci, malgré le coût élevé des droits universitaires (550 000 Fcfa). Tous les jours, Essimi se rend à l’école. La réalité le rattrape lorsque vient l’heure des stages académiques. Le document nécessaire (lettre de stage) pour son entrée dans des entreprises formatrices lui est refusé. Martial reprend donc le chemin de Yaoundé où il s’est remis à la coiffure, laissant derrière lui son rêve d’enfant.
J’ai toujours voulu faire dans l’agronomie. Mal orienté depuis la seconde. On m’a fait faire la série en A au lieu de la série C. Mon objectif était d’intégrer la Fasa. Avec un BAC A, je ne pouvais plus rien. J’ai donc choisi d’étudier la géographie à l’université de Yaoundé I, en espérant trouver un moyen de poursuivre mon rêve mais hélas…,
lâche-t-il.
Combat pour un travail décent
La vie et le parcours de ce produit des universités camerounaises remettent sur le devant de la scène la question du travail décent au Cameroun. Une problématique bien portée par le thème de la 139e édition de la fête du travail : « dialogue social et travail décent pour un Cameroun serein ». La promotion du travail décent est au cœur des priorités du gouvernement camerounais depuis quelques années. Un accord tripartite y relatif a été signé entre le Cameroun, des partenaires sociaux et l’Organisation internationale du travail (OIT) à Yaoundé, le 14 mai 2024. Ce protocole met en avant les questions relatives à la protection et au dialogue social. C’est dire que des problématiques liées à la protection sociale et celles ayant trait au dialogue social font aussi partie des priorités majeures consignées dans l’accord tripartite, selon les services du Premier ministre. Le protocole signé par le Cameroun et ses partenaires s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Programme-pays pour le travail décent 2023-2026.