Le Cameroun est donc devant la justice internationale pour des faits de torture. Le pays comparaît ce 13 novembre 2024 devant le Comité contre la torture des Nations Unies à Genève. Une audience, qui se déroule dans le cadre de la 81e session du Comité et qui constitue un moment important pour l’évaluation des pratiques en matière de droits humains dans le pays. La délégation camerounaise, menée par Salomon Ehet, représentant permanent du pays auprès des organisations internationales à Genève, devra répondre aux préoccupations soulevées par les dix experts indépendants qui composent ce comité.
L’examen intervient dans un contexte particulièrement tendu, alors que l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) vient de publier un rapport accablant sur la situation dans le pays. Ce document révèle l’implication directe des services et unités spéciales dans la pratique systématique de la torture au Cameroun, une accusation qui jette une ombre sur les engagements internationaux du pays en tant que signataire de la Convention contre la torture.
Le cas Longuè Longuè encore présent dans les esprits
Les résultats de l’enquête prescrite par le ministre de la Défense, le 24 octobre 2024, sont toujours attendus. Celle-ci devait faire toute la lumière sur cette regrettable affaire, et établir les responsabilités, afin d’en tirer les conséquences, conformément aux lois et règlements en vigueur, précisait le communiqué de Joseph Beti Assomo. Lui qui avait reconnu que dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’artiste musicien Longkana Agno Simon, plus connu sous le pseudonyme de Longuè Longuè avait subi des sévices corporels d’une barbarie indescriptible, vraisemblablement par des forces de défense et de sécurité. Le Mindef avait donc
immédiatement prescrit l’ouverture d’une enquête par ses services spécialisés.
Dans cette vidéo qui daterait de 2019, on pouvait voir l’artiste Longuè Longuè, vêtu seulement de sous-vêtements, dans une pièce clause, les mains menottées et les pieds tendus sous une chaise, comme pour les immobiliser, pendant qu’un individu lui administre des coups de façon répétée sur les plantes des pieds à l’aide d’une machette. Des violences dont la victime imputait
à des éléments de l’Antenne Sécurité militaire du Littoral, Garnison de Douala, deuxième Région Militaire Interarmées,
pouvait-on dans un communiqué signé le 24 octobre 2024 par le ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo.
La torture exacerbée par les crises socio-politiques
Le Cameroun traverse depuis une décennie une période trouble, marquée par l’insurrection de Boko Haram depuis 2014 et la crise anglophone qui secoue le pays depuis 2016. Ces conflits, selon de nombreux observateurs, ont profondément modifié l’approche des autorités face à la torture, désormais considérée comme un instrument bénéficiant de circonstances atténuantes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La loi N°2014/028 du 23 décembre 2014 sur la répression des actes de terrorisme est notamment pointée du doigt pour avoir fourni un cadre juridique permettant aux services spéciaux de renseignements et aux forces de sécurité de déployer des stratégies punitives contre des communautés entières, soupçonnées de collaboration avec les groupes séparatistes, par exemple.
Dans les prisons camerounaises, la situation est tout aussi préoccupante. Le recours massif à la détention provisoire a engendré une surpopulation carcérale alarmante, avec des taux d’occupation, estiment certains observateurs, dépassant parfois les 600% dans des établissements vétustes. Cette situation est d’autant plus inquiétante que l’accès des organisations de la société civile aux lieux de détention reste très limité, particulièrement depuis la pandémie de COVID-19, empêchant tout contrôle indépendant des conditions de détention.