Ce sont deux femmes, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Ange Kenfack et Dariane Wagoum sont deux mères de famille. La première a un enfant, tandis que la deuxième en a deux. Tous les matins, elles s’occupent de leur maison au quartier Leboudi, une petite bourgade située dans le département de la Lékié. Assiettes, sol, vêtements, tous sont nettoyés dès 6h du matin. La dernière case à cocher sur cette longue liste de tâches ménagères, la préparation des enfants. De son côté, chacune donne à manger aux petits avant de se rendre dans ce que l’on pourrait qualifier de « mini carrière ».
Vu de l’extérieur, les deux voisines mènent une existence plutôt ordinaire. La surprise s’invite lorsqu’Ange et Dariane conduisent l’équipe d’Album Social allée à leur rencontre dans leur « lieu de service ». Il s’agit d’un espace où ces dames lavent du grain destiné à l’embellissement des murs des habitations. C’est à près de 800 mètres que ces dernières se livrent à cet exercice. Des dizaines de sacs prêts à l’emploi sont déjà entreposés dans un espace aménagé. Ange les esquive pour atteindre le puits où est extraite l’eau du lavage.
Des bassines de 30 litres et de 50 litres servent de contenant. La jeune mère utilise des morceaux de moustiquaires pour retenir les grains lors du lavage.
Quand je travaille ici avec les hommes, je ne me différencie pas trop d’eux. Je me rends compte que je peux faire tout ce qu’ils font. Je suis là pour travailler mon argent. Avec, je suis certaine de réaliser mes projets. Quand je lave les grains, je les classe dans les sacs avant que le responsable vienne compter,
lance Ange Kenfack, laveuse de grain.
Cet avis est partagé par Dariane qui, comme son amie, se livre à cette activité depuis quelques semaines. Laquelle activité leur permet de gagner 2000 FCFA par jour.
La vie n’est pas facile à Yaoundé avec toutes les charges que nous avons. Et comme on le dit si bien, une seule main n’attache pas un sac. C’est pour aider mon mari que j’ai commencé ce travail. Je suis ici pour laver le grain et les techniques diffèrent selon la taille. Il est plus facile de laver la taille 02, parce que cela ne demande pas trop d’efforts physiques comme le 04 qui pèse beaucoup. Ce qui fait que pour laver le 04, il faut le faire en petites quantités,
explique Dariane.
A l’origine du lavage du grain
Le lavage des grains est la dernière étape d’un processus qui commence au tamisage. Cette première phase est exécutée à un autre bout du quartier. Une autre équipe de femme mène la danse. Habituellement, une dizaine sur le site, l’équipe d’Album Social n’en rencontre que deux, ce 10 mars 2025. En cette matinée, un camion de sable carrière (20 tonnes) est benné. Adja et ses collègues se parent de leur matériel de travail : des tamis fabriqués à base de lattes et de grillage, des seaux de 10 litres et des pelles bèches. Matériel en main, gants enfilés, chacune se dirige vers le nouvel arrivage. Le but étant de tamiser le plus de sacs possibles.
À la fin de la journée, Adja tamise en moyenne 10 sacs. Parmi eux, des tailles différentes : 02 et 04. Contrairement aux laveuses, les tamiseuses sont payées au seau de 10 litres à 200 FCFA. Pour remplir un de ces sacs, il faut trois compter trois seaux.
Je cherche de l’argent pour aider mon mari à supporter les charges de la maison. Nous avons les projets de construire et je veux contribuer dans cette entreprise,
affirme la dame.
C’est après avoir exécuté leurs tâches que Délégué Mouna Martin entre en scène. Son travail, mesurer la quantité de grain tamisé et lavé par ces dames. Le jeune homme exerce cette activité depuis deux ans et demi. Jusqu’ici, aucun problème à signaler depuis l’arrivée de ses « nouvelles collègues ».
Je travaille avec plusieurs femmes ici. Elles savent ce qu’elles font, elles sont compétentes. Certaines tamisent, d’autres lavent et d’autres encore mesurent. Ce n’est pas parce qu’il s’agit des femmes qu’on ne va pas leur donner leur chance sous prétexte que nous tamisons et lavons le grain. Si elles s’en sentent capables, c’est bon pour nous,
argue Délégué Mouna Martin.