Donner naissance à un enfant a désormais un coût forfaitaire à l’Hôpital Central de Yaoundé : 90 000 FCFA. Ce tarif forfaitaire inclut un ensemble de prestations couvrant tout le processus de suivi de la femme enceinte jusqu’à l’accouchement. Les femmes enceintes bénéficieront à cet effet, de six consultations prénatales ; de deux échographies obstétricales ; d’un bilan biologique prénatal, ainsi que d’un bilan d’accouchement. L’offre comprend également l’accouchement lui-même, que ce soit par voie basse ou par césarienne, ainsi que l’hospitalisation post-partum, et une visite post-natale. Les sages-femmes de l’hôpital se réjouissent de cette initiative, qui permettra aux patientes de mieux planifier leurs dépenses liées à la maternité. Elles soulignent que ce forfait contribuera à réduire les situations d’insolvabilité souvent rencontrées dans cet établissement.
En effet, de nombreux cas d’insolvabilité ont été signalés à l’Hôpital Central de Yaoundé, comme dans d’autres hôpitaux du Cameroun, ces dernières années. En 2023, une femme, nommée Mikake Véronique avait passé plus de six mois avec son bébé à l’hôpital, faute d’avoir pu régler sa facture, qui s’élevait à 279 000 Fcfa. Mère de six enfants, elle s’était retrouvée sans soutien après le décès de son mari et avait accouché prématurément par césarienne. Grâce aux aides ponctuelles des autres patients et du personnel soignant, elle avait pu subvenir aux besoins du quotidien, mais restait prisonnière de sa situation financière.
Ce cas tragique illustre la problématique des frais médicaux élevés qui empêchent de nombreuses femmes de quitter les établissements hospitaliers après leur accouchement. La mise en place du tarif forfaitaire de 90 000 Fcfa apparaît ainsi comme une réponse concrète aux défis financiers rencontrés par les patientes. Le problème des frais médicaux impayés n’est pas propre à l’Hôpital Central de Yaoundé. À travers le Cameroun, de nombreux établissements de santé font face à des situations similaires, où des patientes sont retenues après l’accouchement en raison de factures impayées.
Selon des associations de défense des droits humains, cette pratique constitue une violation des droits fondamentaux des femmes et des enfants. En 2022, le Dr Albert Ze, expert en santé publique, avait adressé une lettre ouverte au président Paul Biya pour dénoncer ces situations. Il y exprimait son inquiétude quant à l’accessibilité des soins de santé, et appelait à une réforme structurelle du système hospitalier camerounais. Selon lui, l’absence de prévention et de prise en charge adéquate rend les soins inaccessibles pour de nombreuses familles vulnérables.
Un premier pas vers la réforme du système de santé
L’instauration du tarif forfaitaire par l’Hôpital Central de Yaoundé est perçue par certains comme une avancée significative. Ce dispositif vise non seulement à alléger la charge financière des patientes, mais aussi à garantir un accès continu aux soins prénatals et obstétricaux.
Toutefois, les professionnels de la santé soulignent que cette mesure doit être accompagnée d’un renforcement des infrastructures et des ressources humaines pour répondre à la demande accrue.
Inspirés par cette initiative, certains hôpitaux de la région du Centre envisagent également de proposer des tarifs forfaitaires pour d’autres soins essentiels, notamment la chirurgie obstétricale et les soins néonatals. L’objectif est de créer une approche harmonisée qui permette de garantir un accès équitable aux soins de santé dans tout le pays. Le ministère de la Santé publique suit de près cette expérimentation, et pourrait encourager sa généralisation, si les résultats sont concluants. Les premiers bilans seront essentiels pour mesurer l’impact de cette mesure sur la réduction des cas d’insolvabilité et sur l’amélioration des conditions de vie des patientes.
Les réactions de la société civile
Les associations de défense des droits des femmes saluent cette initiative, tout en restant prudentes quant à sa mise en pratique. Certaines estiment que l’État devrait également prendre en charge les patientes les plus vulnérables, notamment celles en situation de grande précarité. Elles rappellent que l’accès aux soins de maternité est un droit fondamental, et que des mesures doivent être prises pour garantir ce droit sans discrimination. Des ONG locales appellent également à la mise en place de fonds d’assistance pour les femmes enceintes en difficulté. Ces structures pourraient soutenir financièrement les patientes qui, malgré le tarif forfaitaire réduit, restent dans l’incapacité de payer.
Cette nouvelle tarification constitue un pas en avant vers une meilleure accessibilité aux soins de santé maternels. Toutefois, pour garantir un réel impact social, il est nécessaire de repenser l’ensemble du système de santé publique. Le renforcement des politiques de prévention, notamment à travers des campagnes de sensibilisation aux soins prénatals, pourrait contribuer à réduire les risques de complications à la naissance, selon experts. De plus, l’intégration de mutuelles de santé et de mécanismes de solidarité communautaire pourrait permettre aux femmes issues de milieux défavorisés de mieux faire face aux dépenses liées à la maternité. Le défi reste de garantir la pérennité de cette mesure, tout en assurant la qualité des soins prodigués.
Les autorités sanitaires sont ainsi appelées à suivre de près l’impact de cette décision, afin de l’ajuster si nécessaire, tout en envisageant son extension à d’autres établissements hospitaliers du pays. L’accès aux soins de maternité reste un enjeu de santé publique crucial au Cameroun. Ce tarif forfaitaire est un premier pas, mais d’autres réformes seront indispensables pour garantir à toutes les femmes, un suivi médical adéquat, sans risque de surendettement.