Le 06 mars dernier, le tribunal militaire d’Ebolowa a rendu son verdict dans l’affaire Lydienne Solange Taba, du nom de cette jeune femme qui avait été tuée par balles, le 25 juillet 2020 à Kribi. Le seul accusé dans cette affaire, Franck Derlin Eyono Ebanga, a été condamné à dix ans de prison ferme. Une peine assortie des dommages et intérêts, dont le montant est fixé à 45 millions de francs CFA. Une somme que devra payer le ministère de l’Administration territoriale, qui a été reconnu civilement responsable. Car à l’époque des faits, Franck Derlin Eyono Ebanga faisait partie du personnel des services déconcentrés de ce département ministériel. Il officiait comme sous-préfet de Lokoundjé, dans le département de l’Océan. Une fonction dont il a été déchargé depuis lors.
Si les conseils de la famille de la défunte se sont montrés satisfaits de l’aboutissement de cette affaire, après trois longues années de procédure au pénal, il demeure constant à leurs yeux que le montant attribué au mis en cause en guise de dommages et intérêts, laisse à questionnement, tout comme la peine de dix ans parait « douce eu égard à la gravité de l’infraction commise », à savoir l’assassinat. Ce chef d’accusation avait finalement été retenu à l’encontre de l’ex-administrateur civil, initialement accusé d’homicide volontaire.
Faute d’argent, la famille ne va pas interjeter appel
La famille de feue Lydienne Solange Taba, non plus, ne cache pas sa déception vis-à-vis de ladite décision de justice, d’ores et déjà qualifiée de « très mauvaise nouvelle » par la tante paternelle de l’étudiante tombée sous les balles de celui qui était alors son amant, au moment des faits. « J’ai versé les larmes, pas parce que je pensais à ma fille, mais pour la justice camerounaise », affirme, indignée, Félicité Ngon Mboma, une ancienne employée de l’administration pénitentiaire aujourd’hui retraitée.
« Je n’ai pas étudié le droit, mais j’ai travaillé à l’administration pénitentiaire. Quand tu as une condamnation pour motif de meurtre ou d’assassinat, par rapport au Code pénal, il y a trois décisions : la condamnation à vie, la condamnation à mort ou 25 ans de prison ferme. Mais j’ai été surprise que ce monsieur n’ait eu que dix ans de prison. Je n’ai pas été contente de cette décision », fulmine-t-elle.
La déception de la famille est d’autant plus grande qu’elle a dépensé d’énormes sommes d’argent pour la couverture du procès. « Chaque fois que les avocats [du collectif Universal Lawyers for Human Right Defence, Ndlr] se rendaient à Ebolowa, il fallait débourser une somme de 150 000F CFA au moins pour louer une voiture, aller et retour », affirme Félicité Ngon Mboma. A court de ressources financières, les parents de Lydienne, qui résident à Pointe-Noire, au Congo, n’entendent pas interjeter appel, bien que déçus par le verdict du tribunal militaire
Une « blessure inguérissable »
Lydienne Solange Taba avait perdu sa vie, il y a trois ans, au cours d’une dispute avec son amant au domicile de celui-ci. Alors que les activités académiques étaient quasiment à l’arrêt, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la jeune femme, à l’époque âgée de 23 ans et enceinte, était allée dans la ville de Kribi pour « passer le temps chez sa cousine ». « C’est une blessure inguérissable. A chaque fois, quand je reste à ma véranda, l’image est toujours dans ma tête », déclare, dépitée, la tante de feue Lydienne Taba.
Dans la foulée, le meurtrier de l’étudiante n’avait pas été mis aux arrêts, sans doute parce qu’il bénéficiait de soutiens au sein de l’appareil étatique. « On m’avait dit au tribunal qu’il bénéficiait de la sécurité judiciaire. J’ai passé presque 35 ans à l’administration pénitentiaire. Je n’avais jamais appris que quelqu’un qui a tué une personne bénéficiait de la sécurité judiciaire », s’étonne la tante de la victime. Cet état de non droit, qui avait déclenché l’indignation des organisations de droit de l’homme, n’a pas aidé la famille de feue Lydienne Solange Taba à panser ses plaies toujours béantes.