La situation est donc préoccupante. Sur les 371,4 millions de dollars pour 2024 nécessaires pour le plan de réponse humanitaire, les financements disponibles ne sont que l’ordre de 5% en février 2024. La situation n’était pas meilleure en 2023, lorsque le plan n’était financé qu’à 28%, selon les chiffres du Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM) et de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).
Pourtant, le PAM a besoin de 23,1 millions de dollars pour venir en aide à plus de 222 000 réfugiés du Nigéria et de la République centrafricaine (RCA) vivant actuellement au Cameroun. Ce financement permettra de poursuivre l’assistance humanitaire jusqu’en décembre 2024. La plupart des familles de réfugiés, rappelle-t-on, dépendent de l’Assistance alimentaire du PAM pour survivre. Or, cette assistance alimentaire du PAM a déjà été réorientée pour se concentrer sur les personnes les plus vulnérables, dont la majorité sont des femmes cheffes de ménage, des personnes âgées, des personnes handicapées et des enfants
Cette situation a déjà contraint le PAM à réduire les rations des réfugiés de 50% dans les régions de l’Extrême Nord, l’Adamaoua, l’Est et le Nord du Cameroun ; entrainant également la distribution des paniers alimentaires incomplets depuis la fin 2023, avec des produits manquants tels que les légumineuses, l’huile végétale et le sel. Ces mesures exposent déjà les communautés de réfugiés à une vulnérabilité accrue et limitent leur accès à des repas diversifiés et nutritifs.
Des taux alarmants de malnutrition
Et, la conséquence directe de cette situation, est qu’on signale déjà des taux alarmants de malnutrition aiguë et de retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans parmi les communautés de réfugiés. Les taux d’émaciation varient de 10% chez ceux qui vivent en dehors des camps dans le Nord à 17,4% dans les camps de l’Adamaoua et de l’Est, au-dessus des seuils d’urgence de 10 et 15% (SMART/SENS, 2022).
« Sans un soutien immédiat, nous n’aurons d’autre choix que de réduire encore davantage les portions déjà maigres sur les assiettes des réfugiés, avec toutes les conséquences dévastatrices que cela entraînera, notamment l’augmentation de la malnutrition et de la faim, l’exposition à des risques liés à la protection sociale poussant les familles à recourir à des stratégies désespérées pour faire face à la situation. Il s’agit du retrait des enfants de l’école et la réduction de leur consommation alimentaire – affectant surtout les femmes et les enfants », a déclaré Wanja Kaaria, Représentante du PAM et Directrice Pays au Cameroun. Avant d’ajouter que « Nous sommes reconnaissants des financements généreux des donateurs au Cameroun et nous espérons qu’ils vont intensifier leurs efforts et nous aider à combler nos déficits de financement, afin d’éviter de nouvelles coupes dans l’assistance à ceux qui ont déjà tout perdu en raison des conflits, de la violence et des catastrophes naturelles ».
Pour sa part, Olivier Guillaume Beer, Représentant du HCR au Cameroun, pense que « La réduction des rations alimentaires est le présage d’une crise de protection croissante au Cameroun, affectant ainsi le droit humain le plus fondamental des personnes forcées au déplacement dans le pays- le droit à l’alimentation. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que de nouvelles coupes dans les rations pourraient perturber la cohésion sociale existante, car nous avons reçu des rapports faisant état des protestations des communautés de réfugiés. Ainsi, nous en appelons aux gouvernements donateurs pour soutenir les réfugiés en leur offrant un accès à la nourriture tant nécessaire et leur permettre de rester en bonne santé ».
En rappel, Depuis plus d’une décennie, le Cameroun est confronté à trois crises humanitaires complexes, interdépendantes et prolongées qui sont restées largement sous-financées. En décembre 2023, 4,7 millions de personnes avaient besoin d’une assistance humanitaire, dont plus de deux millions étaient en déplacement en tant que réfugiés, personnes déplacées internes et rapatriés. L’insécurité alimentaire dans le pays touche 2,5 millions de personnes, selon l’analyse du Cadre Harmonisé de novembre 2023. Certains de ces chiffres sont parmi les taux d’insécurité alimentaire les plus élevés enregistrés dans le pays, touchant les réfugiés, les personnes déplacées internes et les communautés d’accueil, avec près de 75% des personnes en insécurité alimentaire grave et situées dans les régions touchées par la crise.
Bien que le gouvernement camerounais déploie tous ses efforts pour faire face à la situation humanitaire, le PAM et de l’UNHCR, soulignent qu’un soutien supplémentaire est urgent pour répondre aux besoins immédiats en nourriture et en nutrition des familles touchées par la crise au Cameroun. Le PAM et le HCR disent rester engagés à travailler avec le gouvernement, les donateurs et les partenaires pour continuer à fournir une assistance alimentaire et nutritionnelle aux communautés vulnérables, y compris aux réfugiés et aux personnes déplacées internes, en les aidant à répondre à leurs besoins fondamentaux et à reconstruire leur vie et leurs moyens de subsistance grâce à des solutions à plus long terme visant à atteindre leur autonomie.