La célébration ce 08 mars 2024 de la journée internationale de la femme était sous fond de nouvelles perspectives pour l’amélioration de la situation des droits de la femme au Cameroun. Placée sous le thème : « investir en faveur des femmes : accélérer le rythme », cette commémoration était d’abord l’occasion de faire le bilan sur la situation des droits de la femme dans le pays.
Pour la première dame camerounaise, Chantal Biya, les violences et les intimidations dont sont victimes les femmes dans le monde n’arrêtent pas de progresser. C’est un constat qu’elle a fait dans un message, par le biais de son ONG Synergies africaines, à l’occasion de la célébration de la 39ᵉ Journée internationale des droits des femmes.
Pour la première dame camerounaise, les femmes sont davantage victimes de discrimination à l’embauche, sous-représentées dans les domaines des sciences et dans les hautes sphères de décision. Elles accèdent difficilement aux financements.
30 cas de féminicides entre janvier et mai 2023
Marie-Thérèse Abena Ondoa, la ministre de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff), recensait dans un rapport, près de 30 féminicides entre janvier et mai 2023 dans le pays. Un chiffre qui s’élève à près de 60 selon des recensements du le collectif Stop féminicide 237, une fédération de 17 associations de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG).
« La 39e édition de la Journée internationale de la femme se célèbre dans un contexte particulier marqué par les effets néfastes des crises mondiales qui ont cours ces derniers temps et qui impactent négativement les conditions de vie des femmes. Il s’agit, entre autres, du Covid, des conflits géo et sociopolitiques, des catastrophes climatiques et autres bouleversements économiques liés à la hausse des prix des carburants et à l’inflation » a révélé la Minproff au quotidien Cameroon Tribune.
Béatrice SISSI, Victorine Manga, Charnelle Kenmoe, Eilen Ngwayu Timende, Mentchum Wembo, Marie-Florence Nkwadith, Denise Essombe, Erica Wanga, Vanessa Youbi, etc. sont quelques victimes. Ces femmes pour la plupart sont passé de vie à trépas à la suite de violences conjugales, de maltraitance, de viols, de crimes rituels, de meurtre ou encore d’assassinat par décapitation.
« Est-ce un péché de naitre femme ? Les auteurs des féminicides et tous ceux qui les soutiennent d’une manière ou d’une autre, de près ou de loin, sont des criminels ayant perdu le sens de l’humanité » s’est indigné le ministre.
Plus de cinq femmes tuées par heure dans le monde
Selon l’Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et ONU Femmes, environ 45 000 femmes et filles dans le monde ont été tuées en 2021 par leur partenaire intime ou d’autres membres de la famille. Ces mêmes organismes estiment que toutes les heures, plus de cinq femmes ou filles sont tuées par des proches. En 2021, le taux des femmes victimes d’homicide commis par des familiers est estimé à 2,5 pour 100 000 femmes en Afrique, contre 1,4 dans les pays d’Amérique, 1,2 en Océanie, 0,8 en Asie et 0,6 en Europe.
Riposte gouvernementale : la stratégie nationale de lutte contre les VBG à pied d’œuvre
Face à la recrudescence effrénée des violences contre les femmes perpétrées sur le territoire camerounais, le gouvernement a mis sur pied des programmes de riposte. La plus récente est la stratégie nationale de lutte contre les VBG élaboré en 2022 et qui est en cours d’implémentation sur l’ensemble du territoire national.
« Les orientations sont données à l’échelle nationale. Cela veut dire que toutes les délégations régionales travaillent sur le terrain » affirme Vanessa Wongolo, chef du service de la promotion des droits civils de la femme au Minproff. Cette stratégie se veut particulière : « la particularité de cette stratégie c’est d’abord son approche holistique, il y’a un groupe d’acteurs qui interviennent pour accompagner les survivants(es) dans le processus de rétablissement ».
La stratégie intègre les nouvelles formes de violences, par ailleurs l’accent est mis sur la situation sécuritaire du pays car les violences sexuelles par exemples se développent généralement dans les zones de crise.
Sur le terrain, plusieurs acteurs interviennent pour la mise en place de cette stratégie : « Il s’agit des plateformes de lutte contre les VBG. On retrouve les délégués régionaux du Minproff, des points focaux du Minsanté, des organisations de la société civile ». Une action commune qui rassemble autant d’institutions pour apporter un secours efficient aux personnes victimes de violences.
La Commission nationale des Droits de l’Homme appelle à plus d’engagement
De son côté, la Commission nationale des Droits de l’Homme constate que, malgré la consécration de l’égalité des sexes dans le préambule de la Constitution du Cameroun du 18 janvier 1996 et dans de nombreux instruments africains et universels ratifiés par l’État du Cameroun ou auxquels il est autrement lié, la société camerounaise est profondément marquée par la subordination de la femme, généralement considérée comme le sexe faible.
Elle a également salué : « la publication de la circulaire n° 2023/001 du 30 août 2023 du Président de la République relative à la préparation du budget de l’État pour l’exercice 2024 qui a réaffirmé l’intégration de la démarche de la budgétisation sensible au genre comme priorité dans tous les secteurs de développement national en précisant les modalités de sa prise en compte et l’élaboration d’un avant-projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants pour renforcer le cadre normatif existant »
La Commission recommande au Gouvernement de renforcer le dispositif de répression des violences basées sur le genre et des pratiques néfastes contre la femme et la jeune fille, notamment en faisant rapidement aboutir le processus d’élaboration de l’avant-projet de loi relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Elle invite également les populations en général et les parents en particulier à mettre davantage l’accent sur l’éducation de la jeune fille au même titre que sur celle du jeune garçon dont les agissements futurs traduisent très souvent des manquements dans la transmission des valeurs humaines dans le milieu familial.