Des petites mains dans les poubelles, ça peut faire vivre. Pierre Talla Foka, la vingtaine sonnée, a fait du tri d’objets usés, son activité principale. Chaque jour, il s’installe près d’un dépôt d’ordures situé au lieu-dit « dernier Poteau-Mimboman ».Ses tâches, réceptionner les poubelles qui arrivent, trier et sélectionner les ordures, puis, les classer par catégorie et les exposer en tant que produits à vendre.
« Je recycle un peu de tout ici comme des bidons de 10 litres ; des bouteilles d’eau minérale ; des bouteilles de vin et de jus ; des chaussures ; des cartons, etc. » Ils sont revendus à des prix d’emblée modiques, mais discutés avec les acheteurs.
Je vends par exemple les bidons de 10 litres entre 50 et 100 FCFA, les bouteilles de whisky à 50 FCFA. Les chaussures sont vendues entre 300 et 500 FCFA ; tout dépend de la négociation avec le client,
affirme Pierrre Foka.
Comme lui, Stéphane passe ses journées dans ce dépôt d’ordures à la quête d’objets ferreux qu’il livre à des revendeurs. Pendant plus de 10 heures de temps au quotidien, ils mettent en application le même processus. Ils réceptionnent une vingtaine de poubelles acheminées ici par des véhicules ou par des brouettes trainées par des usagers, et commencent le tri. Les objets qu’ils collectent sont pour la plupart acheminés dans la ville de Douala, où ils sont rassemblés et transformés, pour certains.
Activité laborieuse, mais qui peut nourrir son homme
Malgré le travail ardu, ils n’ont aucune assurance d’avoir un revenu à la fin de la journée. Parfois, ils ne vendent pas un seul article. « Il y a des jours qu’on arrive ici, on collecte un grand nombre d’articles, mais aucun client ne se pointe. Du coup, on passe toute une journée sous le soleil sans rien vendre », s’indigne Stéphane.
Le plus compliqué pour ces ramasseurs, c’est leur exposition constante aux maladies. « C’est un métier qui fait en sorte que vous mettez vos mains dans des choses sales. Donc au niveau de l’hygiène, c’est très compliqué pour nous », ajoute-il. Un risque qu’il pense réduire en arborant une certaine armure constituée par lui-même. « Avant, je mettais des gants médicaux jetables mais, ça se déchirait très vite. A cet effet, j’ai opté pour les gants de chantier qui sont plus solides et durables. Je couvre également mon visage d’un masque facial, et je porte des lunettes pour protéger mes yeux des débris », explique-t-il.
Un gagne-pain encore méconnu de nombreux Camerounais
Au Cameroun, l’activité de recycleur est perçue de manière péjorative par nombre de personnes. Une perception qui frustre ces travailleurs de la poubelle. « Nous faisons cette activité en bordure de route, il y a certains qui nous prennent pour des fous. Ils ne savent pas en réalité que ce que l’on fait, c’est du recyclage », s’indigne Stéphane.
Joseph, encore appelé « le rappeur » par ses collègues, s’est retrouvé dans cette activité à cause de ce qu’il qualifie de difficultés de la vie. Issu d’une famille de recycleurs, il a suivi le pas. Malheureusement, cette activité seule ne parvient pas à le nourrir, lui et sa famille. Comme la manne qui tombe du ciel, il bénéficie souvent du soutien de certains compatriotes, admirateurs de sa détermination pour son travail.
Je ne m’en sors pas vraiment avec l’activité de recyclage que je fais tous les jours ici. Il arrive des fois que je me blesse, mais je ne parviens même pas à me faire soigner. Ce qui me soigne, c’est le peuple qui estime que je fais un travail laborieux,
dit-il. Malgré toutes ces difficultés, ces travailleurs de la poubelle, très souvent jeunes et parfois diplômés, n’ont pas très souvent d’autres choix pour joindre les deux bouts, l’accès à un emploi décent n’étant pas la chose la mieux partagée au Cameroun.
Dans le monde, ils sont plus de 15 millions de personnes qui vivent du recyclage des déchets. C’est pourquoi Pierre, Stéphane ou encore Joseph ne baissent pas les bras malgré les railleries subies au quotidien et les conditions de travail insalubres et dangereuses.
Leur plus grand rêve, c’est de voir l’activité de recyclage d’ordures se développer dans le pays, en intégrant des meilleures conditions de travail qui respectent les normes de sécurité sociale, ou alors trouver une meilleure occupation que celle-là.