La traque contre les trafiquants de drogue fait rage. A Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, par exemple, 27 présumés trafiquants de drogue ont été mis aux arrêts, le 21 avril 2024. C’était à l’issue d’une importante opération menée par les agents de la police du commissariat central de Bamenda. Ils ont été interpelés au lieu-dit Sept portes, pour leur implication présumée dans des activités de toxicomanie et de trafic de drogue. Une énième saisie dans le pays considéré comme une plaque tournante importante du trafic de cannabis. Selon le commissaire de police, Emmanuel Mbock du commissariat central de la ville de Bamenda :
Plus de 20 personnes ont été arrêtées, des drogues communément appelées caillou et des objets volés ont été retrouvés en leur possession.
Ces arrestations font suite aux directives émises lors d’une réunion de sécurité avec le délégué régional à la Sûreté nationale. Des directives qui préconisaient une lutte contre la consommation de drogue à Bamenda, comme une priorité.
Cette opération intervient quelques jours après l’interpellation d’un gang de 4 présumés trafiquants de stupéfiants par la brigade de Gendarmerie de Kondengui, dans la ville de Yaoundé, région du Centre, et un mois après que les éléments de la compagnie de Gendarmerie de Baham, dans la région de l’Ouest, aient saisi 550 kilogrammes de Tramol.
15% des jeunes Camerounais consomment de la drogue
Les chiffres de la consommation de drogue chez les jeunes grimpent de plus en plus au Cameroun. Les dernières statistiques du Comité national de lutte contre la drogue font état de 15% des jeunes Camerounais qui sont consommateurs. Il faut rappeler qu’en 2022, à la faveur de la journée internationale contre l’abus et le trafic des drogues, célébrée le 26 juin, la Commission des droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) rapportait que :
21% de la population camerounaise en âge scolaire a déjà consommé de la drogue ». Avec 10 % des jeunes consommateurs réguliers de drogue, dont 60% âgés de 20 à 25 ans, « avec une prévalence de 15% plus élevée en milieu scolaire .
La CDHC indiquait par ailleurs que les substances primaires les plus utilisées sont : le cannabis (58 %) associé au tabac, le tramadol (44 %) devenu incontournable pour les conducteurs de motos-taxis (…) à l’origine de graves accidents de circulation, la cocaïne (12 %) ; les solvants (7 %) et l’héroïne (5%). Ces chiffres sont d’autant plus importants que la tendance est à la consommation de plusieurs substances en même temps. Il s’agit des drogues licites comme les alcools (vins, bière, liqueurs) et les cigarettes, de solvants volatils (colle ; diluants ; encre de marqueur), de sédatifs (somnifères), et des drogues illicites ou de stimulants (chanvre indien ; cocaïne ; Tramol ou Tramadol ; cannabis ; chicha ; bérré rouge ; diazépam ; banga ; D10, etc.).
La CDHC s’inquiétait donc de ce que Cameroun est considéré comme un importateur majeur et un point de transbordement pour le cannabis produit localement et acheminé vers d’autres pays africains, notamment vers le Nigeria .
Selon une étude réalisée par la psychopédagogue Vanessa Kuété Mouafo de l’Université de Yaoundé I, la consommation de ces drogues est devenue banale et plus fréquente chez les jeunes élèves des deux sexes âgés de 13 à 24 ans.
Les jeunes filles de plus en plus addictives
Les garçons sont un peu plus à risque que les filles : 74 % des filles et 81 % des garçons de 17 ans déclarent avoir consommé de l’alcool, selon cette étude publiée en 2023. Pour le cannabis, c’est 20 % de filles contre 30 % de garçons. L’Empower Cameroon, une association identitaire des usagers et ex-usagers de drogues au Cameroun, a également noté la féminisation du Tramadol en milieu scolaire :
Les jeunes filles de 15 ans diluent les comprimés contenant du Tramadol dans des bouteilles d’eau et pénètrent aisément dans les établissements scolaires avec cette drogue.
Selon le centre de sevrage et de désintoxication des toxicomanes camerounais, Univers Psycho et la Fondation Kam-Siham, le phénomène d’usage de drogues est accentué par la prolifération, jusqu’aux abords des écoles, de pharmacies de rue, de divers vendeurs ambulants et de débits de boisson.
Le PSN 2024-2030, l’outil de coordination nationale de la lutte contre la drogue
Le Plan Stratégique National 2024-2030 (outil de coordination de la lutte contre la drogue), a pour objectif de réduire significativement l’offre et l’usage des drogues au Cameroun, d’ici 2030, pour un Cameroun libéré des méfaits de la drogue. La mise en œuvre de ce plan est assurée par le ministère de la Santé publique, à travers le Comité National de Lutte contre la Drogue (CNLD). Le CNLD s’est fixé 4 axes stratégiques dont la réduction de l’offre des drogues ; la réduction de la demande des drogues ; la réduction des risques et des dommages liés à la consommation des drogues et la réorganisation de la réponse institutionnelle de la lutte.
Prévention sans stigmatisation
Au Cameroun, les Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) ont enregistré 946 nouveaux patients demandeurs de traitements entre 2019 et 2022. Le pourcentage de patients demandeurs de soins dans les zones en crise (Extrême-nord, Nord-ouest et Sud-ouest) est passé de 22 % à 43 % entre 2019 et 2021. Lors de la célébration en 2023 de la 36ème édition de la journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues, le Cameroun a réitéré son intention de privilégier la sensibilisation et le soutien aux toxicomanes.
Il s’agit d’attirer l’attention de tous sur l’impact négatif de la stigmatisation des personnes qui consomment les drogues et de leurs familles,
a indiqué Malachie Manaouda, le ministre de la Santé publique. Le comité en charge de la lutte contre les drogues a déjà mis en place des groupes de paroles destinés aux enfants de la rue, plus exposés au risque de consommation de drogues, car selon le comité, il faut miser sur la sensibilisation.