Varier les repas, voire manger équilibrer au Cameroun est un luxe pour certaines populations. Raissa Kouepou, une habitante du quartier Nsimeyong à Yaoundé, a bravé le soleil de midi pour se rendre au marché du Mfoundi. Objectif, trouver à manger à sa famille. Après avoir sillonné les couloirs de cet espace de vente pendant plusieurs heures, elle s’arrête devant un comptoir : celui d’une commerçante de banane plantain.
Je ne peux qu’enlever 300 Francs sur ce régime », lance la commerçante. « C’est trop fort pour moi,
réplique Raissa
La mère de famille tente de convaincre en vain la commerçante de lui vendre cette denrée à son prix. Déçue, la mère de cinq enfants poursuit sa visite au marché. Elle s’oriente cette fois vers le secteur des ignames, à la recherche d’aliments à la portée de sa bourse.
J’ai acheté trois ignames à 1500 FCFA. C’est très cher. Malgré la conjoncture économique, je suis obligé d’acheter comme ça parce qu’il faut bien mettre quelque chose sur la table le soir,
explique-t-elle.
Même calvaire au quartier Nsam, dans le 3e arrondissement de Yaoundé, où Josiane vit les mêmes réalités. Dans une poissonnerie de la place, les prix affichés sur les produits ne sont pas à la portée de la jeune dame. Sur les congélateurs disposés de part et d’autre dans la salle, les prix varient en fonction du type de poisson choisi. Les affiches indiquent que le kilogramme varie de 900 Francs à 2000 Francs en fonction de grosseur du poisson.
J’ai 5000 FCFA de ration pour deux jours. Si j’achète le poisson à ce prix, il ne me reste plus rien pour les condiments et le complément,
regrette Josiane.
Pour contourner cette difficulté, la jeune femme a opté pour du poisson fumé, espérant donner plus de saveur à la sauce d’arachide accompagnée du riz qu’elle compte cuisiner.
Les enfants se plaignent de ce qu’ils mangent du riz cinq ou six jours sur sept. Avec le prix du riz qui augmente tous les jours, il ne sera même plus à notre portée. Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j’ai préparé du plantain, du macabo ou encore de la patate,
commente-t-elle.
Les étudiants, une classe vulnérable
La hausse des prix des denrées alimentaires touche également de plein fouet les étudiants dans les cités universitaires. S’alimenter pour eux est une équation à multiples inconnus. Au « célèbre » quartier Bonamoussadi à Yaoundé, réputé du fait du nombre important d’étudiants qui y vivent, dans une cité située non loin d’un glacier reconnu comme un repère « de jeunes couples », Maël, 22 ans, s’alimente principalement de pâtisseries.
Je fais avec les moyens de bord. Je suis un débrouillard. Je ne mange pas ; je survis. Le « sauveur » (tapioca ndlr) est au rendez-vous. Les femmes centrafricaines sont là avec les beignets accompagnés de haricot et de bouillie et du riz sauté,
confie-t-il.
Pour varier ses repas, le jeune homme s’est tourné vers les lieux de restauration proches de son domicile. Dans ce lieu communément appelé « tourne dos », femmes et des jeunes hommes proposent divers menus. Les prix oscillent entre 500 FCFA et 100 FCFA.
3 millions de Camerounais dans l’insécurité alimentaire aigue en 2023
Selon Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, 3 millions de personnes ont été touchées par l’insécurité alimentaire aigue au Cameroun en 2023. Les régions de l’Extrême Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont les plus touchées. Et, en 2022, la Banque mondiale a approuvé un crédit de 100 millions de dollars US de l’Association internationale de développement (IDA) (50 millions proviennent du Mécanisme de réponse aux crises), afin d’aider le Cameroun à renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle et à accroître la résilience aux chocs climatiques chez les ménages et les producteurs ciblés par le projet.
Pour rappel, selon l’Institut National de la Statistique (INS), 37,7% de personnes vivent en dessous du seuil national de pauvreté au Cameroun. La 5e Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM5), présente une situation inquiétante de la pauvreté au Cameroun.
Il faut noter que la malnutrition est à l’origine des problèmes tels que les carences en vitamines ou en minéraux, le surpoids, l’obésité et les maladies non transmissibles liées à l’alimentation, entre autres. Le déficit en apport de nutriments dans le corps a pour symptômes la fatigue, des étourdissements et une perte de poids. Une malnutrition non traitée peut également entraîner une incapacité physique ou mentale. Selon les experts, une alimentation variée et adaptée à l’âge contribue à rester en bonne santé et à prévenir certaines maladies (cardio-vasculaires, ostéoporose, diabète, cancers, par exemple).