Le Foyer école des enfants aveugles malvoyants et abandonnés, Colonel Daniel de Rouffignac, a pour leitmotiv, assurer le droit de tous à une éducation de qualité répondant aux besoins d’apprentissage essentiels et enrichissant l’existence des apprenants. Situé au quartier Nlongkak dans la ville de Yaoundé, l’établissement qui a pour objectif de base l’éducation inclusive, accueille une quarantaine de pensionnaires, enfants, jeunes et adultes.
Le foyer a été créé en 1965, sous le nom Centre d’Action Sociale CROMATICAM, par un colonel français dénommé Daniel de Rouffignac qui a décidé d’investir sa retraite dans les œuvres sociales. Ce qui a conduit à l’ouverture d’un centre d’action sociale ; centre dans lequel, Edvige Mbazoa amenait son fils retardé mental, et où elle-même a commencé à travailler. Dans les années 90 en mourant, le colonel demanda à Edvige de tenir le Centre et de continuer l’œuvre. Chose qu’elle fit avec détermination jusqu’à son décès survenu en 2022. Le foyer endosse la lourde responsabilité d’être garant de l’éducation, la socialisation, la santé et le bien-être d’orphelins ou abandonnés avec ou sans handicap. Dans ce site vivent une quarantaine d’enfants. Il dispose de dortoirs et d’une pièce à vivre pour tout le monde.
Nous sommes un Centre à caractère spécifique qui accompagne des enfants non-voyants, mal voyants, des handicapés moteurs, des enfants autistes,
souligne Jérémie Aboui, petit-fils de la Fondatrice, Edvige Mbazoa, tenant le foyer depuis le départ de sa grand-mère.
Dans cet espace qui s’étend sur une superficie d’environ 500 m², les jeunes sont scolarisés. Ils le sont déjà dans l’enceinte du Centre qui leur fournit tout l’enseignement de base, de la maternelle au CM2, et où ils passent leur CEP. Pour assurer le suivi éducatif de ces jeunes, la maison a mis à leur disposition trois enseignants, dont deux enseignants spécialisés qui maîtrisent le braille, et un enseignant ordinaire.
Lorsque nos enfants ont le CEP, ils peuvent migrer vers des lycées ou collèges de la ville. Actuellement, nous avons des enfants inscrits aux Universités de Yaoundé I et II. Nous avons un enfant à l’IRIC. Ils sont tous encadrés par le Centre,
explique Jérémie Aboui.
Réconforter les personnes vulnérables
En plus des enfants à besoins spécifiques, le Foyer encadre des orphelins et des personnes vulnérables, parfois délaissées par leurs familles ; le cas du jeune Thomas, victime d’épilepsie cérébrale depuis sa naissance et qui a été abandonné par sa maman dans les locaux du foyer lorsqu’il était nourrisson, il y a de cela 10 ans. Grâce à la prise en charge, et les soins administrés depuis son arrivée dans ce foyer, Thomas parvient à se nourrir lui-même, chose qui n’était pas possible par le passé, où il fallait exclusivement l’intervention d’une tierce personne pour le nourrir.
Par ailleurs, le foyer se veut être une œuvre qui tend la main à tous ceux qui ont besoin d’encadrement, tout en se basant sur les valeurs d’amour que préconise la foi chrétienne. Ici, on retrouve des jeunes gens abandonnés, vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine, et qui sont suivis à l’hôpital de la Caisse de Yaoundé, rassure le responsable des lieux.
Le matériel pour déficients visuels hors de portée
La difficulté majeure pour le Centre à mener ses objectifs, c’est l’absence d’un partenaire. En fait, depuis quelques années, supporter le coût des charges qui vont croissantes est devenu ardu.
Ce qui fait la force de notre Centre, ce sont les âmes de bonne volonté qui arrivent ici de manière individuelle ou associative. Grâce aux dons qu’ils viennent déposer, nous nous organisons en fonction des besoins des enfants et du Centre,
martèle le responsable.
Par ailleurs, l’établissement est confronté au manque de matériel adéquat par rapport à la cible visée, ce qui crée une grande faille dans l’encadrement des déficients visuels en l’occurrence. Luc Amougou est un jeune âgé de 15 ans, scolarisé au lycée de Nkol-Eton en classe de 3e ; désireux de braver avec brio l’examen du BEPC -qu’il va composer dans quelques jours-, il a été fortement limité tout au long de l’année scolaire à cause du manque de matériel adéquat.
Je me retrouve parfois avec le manque de tablette braille et de poinçon, ainsi que des machines braille,
révèle Luc.
Des problèmes qui touchent également les encadreurs (enseignants spécialisés) qui manquent de matériels tels que des machines braille pour retranscrire les épreuves, qui s’achètent à des millions de FCFA et qui ne sont pas vendus au Cameroun, apprend-on.
Cette situation est troublante pour moi. D’un, je n’arrive pas à composer certaines matières, parce qu’on n’a pas transcris les épreuves. Et puisque ces matières comptent pour ma notation, cela influence énormément mon rendement final. C’est vraiment compliqué,
explique Luc Amougou, angoissé.
En outre le Foyer fait face au problème d’espace, ne pouvant plus accueillir des jeunes :
Nous sommes vraiment très serrés ici. Il y a une forte demande, mais il n’y a pas assez d’espace pour pouvoir servir mieux ces jeunes,
se lamente Jérémie Aboui, le responsable.
Eviter la mendicité chez les jeunes
Augustin Nira, étudiant en troisième année de psychologie à l’université de Yaoundé I a grandi dans ce Centre. Depuis qu’il l’a intégré en 2012, il ne l’a plus jamais quitté.
Ici au Centre, je me sens plutôt bien. Je suis sorti de la maison pour venir fréquenter, et j’ai trouvé qu’ici, tout est mis à ma disposition afin que je puisse étudier sereinement. J’ai fait le primaire et le secondaire ici.
précise-t-il.
Aujourd’hui, le jeune étudiant est sur le point de décrocher sa Licence en psychologie, un exploit qu’il doit au Foyer qui ne ménage d’aucun effort pour assurer sa scolarisation, ainsi que celle de tous les pensionnaires chaque année. Conduit par son papa dans ce centre, il y a de cela 12 années, il retourne en famille à chaque période de vacances, pour passer du temps avec les siens. Le Foyer Colonel Daniel de Rouffignac offre également la possibilité à ses pensionnaires de mener des activités lucratives à l’instar de la vannerie, la musique, le sport et divers loisirs.
L’objectif du foyer, c’est d’éviter la mendicité chez ces jeunes ; c’est de leur apprendre à être autonome,
souligne Jérémie Aboui.
Le responsable des lieux assure l’encadrement sportif de ses pensionnaires avec beaucoup d’enthousiasme, du haut de sa fonction d’entraineur sportif des déficients visuels. L’une de ses plus grandes fiertés, c’est la pépite de l’athlétisme, Issa Nanawa, qui pratique l’athlétisme pour déficients visuels dans les disciplines du 100 et du 400m, et est par ailleurs étudiant à l’université de Yaoundé I. Il détient à son actif plusieurs médailles remportés lors des compétitions nationales et internationales. Ne disposant pas encore de site définitif faute de moyens, le Foyer repose sur des locaux provisoires.
Nous sollicitons les pouvoirs publics, les âmes de bonne volonté, de nous aider à nous sécuriser en nous donnant un site adéquat pour pouvoir faire tout ce qui est possible pour l’épanouissement de ces enfants,
implore le responsable, Jérémie Aboui.