La vente de breuvages et décoctions guérisseuses va grandissant au Cameroun. Ces boissons faites par des particuliers attirent la curiosité de nombreuses personnes généralement en quête d’une solution à des problèmes de santé. On les retrouve partout dans les rues de villes, dans les marchés et même devant des formations sanitaires. A Yaoundé par exemple, ils sont installés dans des endroits fixes dans les quartiers comme Mokolo, Elig-Essono (au lieu-dit pont de la gare), Mballa 2, Olembé, etc. ; quand ils ne sont pas ambulants dans des quartiers populaires.
Moussa commercialise des boissons qu’il pense efficaces pour lutter contre des maladies comme le paludisme, la typhoïde, ou encore la grippe. Basé au quartier Briqueterie, il installe ses produits dans un pousse-pousse. Il y expose des compositions embouteillées constituées d’écorce, de poudre et de feuilles. Parmi les produits qu’il utilise pour ses recettes, le gingembre ; l’ail ; l’oignon ; le citron ; l’aloe vera ; la feuille de corossol ; les feuilles de Ndolè, etc. Il a des clients réguliers qui l’appellent « le doc », en référence à l’appellation, Docteur. Selon lui, le secret de la guérison est dans les mélanges et la variation de ces plantes. C’est pourquoi lorsqu’il prescrit un traitement à un patient, il prend soin de bien préciser la posologie.
Chez nous, la guérison ne coûte pas cher. Généralement si un malade ne guérit pas au premier traitement, il doit recommencer jusqu’à complète guérison,
lance-t-il.
Un peu plus loin de là, au lieu-dit « pont de la gare » au quartier Elig-Essono, on observe un alignement de comptoirs où sont exposés des décoctions, breuvages et autres traitements traditionnels contre des maladies. Valery Moringa y détient un comptoir sur lequel elle propose du moringa oleifera.
C’est une plante miracle. Toutes ses parties (feuilles ; racines ; écorces ; graines) sont utilisables. Raison pour laquelle, elle est très demandée par les clients,
explique la vendeuse.
Par jour, elle reçoit une vingtaine de patients. Selon elle, ces derniers accourent vers ce produit à cause de son apport en micronutriments, notamment sa richesse en antioxydant, vitamines, protéines. Certains chercheurs pensent même que le moringa oleifera présente également des vertus antibactériennes, antibiotiques et antivirales.
Quand je souffre de la typhoïde et que je prens un traitement à l’hôpital jusqu’à la fin, j’ajoute à cela un traitement traditionnel. C’est très accessible et ça me permet de vite guérir,
affirme Luc Danwa, instituteur.
Le Soukoudaï, très prisé des jeunes Camerounais
Le Soukoudaï, également connu sous le nom de Djara, Akota-Xozo ou Kon-kon est une boisson populaire en Afrique centrale. Ce liquide est généralement conditionné dans des bouteilles en verre. Au Cameroun, il est vendu par des commerçants ambulants, pour la plupart originaires de la zone septentrionale.
Le soukoudaï est un produit très fort qui est utilisé pour lutter contre la toux et le mal de gorge,
explique un vendeur de ce produit.
Il est fait à base Dichlorométhane (DCM), un solvant volatil utilisé principalement dans le milieu industriel. Le DCM est un produit chimique potentiellement toxique et cancérigène. L’ingestion du soukoudaï peut entraîner de graves problèmes de santé, notamment des dommages au foie, aux reins et au système nerveux. Il peut également déprimer le système nerveux central (sensation d’ivresse ; céphalées ; nausées ; vertiges ; somnolence ; diminution des performances neurocomportementales). Ce qui peut être mortel en cas d’exposition prolongée à ses vapeurs ou aérosols. Fait inquiétant, c’est que cette boisson est largement prisée des jeunes gens qui la consomment sans protocole.
Lorsque le client m’approche, il doit juste débourser 100 Fcfa pour avoir un verre de sawara et 50 Fcfa pour avoir un verre de soukoudaï. Je propose ces produits à mes clients dans des bouteilles d’un litre et demi à 2000 Fcfa,
explique Moustapha, un commerçant qui vend les éléments constitutifs de ce breuvage à ses clients pour qu’ils préparent eux-mêmes leur décoction.
Des traitements peu fiables
La décoction est une méthode d’extraction des principes actifs ou des arômes d’une préparation généralement végétale par dissolution dans l’eau en ébullition. Elle s’applique généralement aux parties les plus dures des plantes : racines ; graines ; écorce ; bois. Elle est utilisée en herboristerie ; teinture ; brasserie ; cuisine et surtout dans la pharmacopée traditionnelle. Pour le corps médical, ces traitements bien qu’efficaces quelques fois, ne sont pas dignes de confiance :
Des illuminés vont chercher à vous convaincre ici que c’est la culture et que c’est bénéfique,
indique le Dr Partick Ngou, pédiatre.
Pour le diététicien et nutritionniste, Dr Aurélien Nana, ces décoctions sont souvent produites dans un environnement insalubre ; et ils sont conditionnées dans des contenants insalubres. Parfois ce sont des objets ramassés n’ayant pas subis une désinfection adéquate. Leur consommation pourrait donc conduire à des maladies du péri fécal à l’instar du choléra ou des salmonelloses, précise-t-il.
On peut avoir des diarrhées, des vomissements ou encore des dysenteries amibiennes causées par l’eau de qualité douteuse,
affirme le Dr Nana.
Prudence
Pour l’heure, la médecine moderne émet des réserves quant à la pharmacopée traditionnelle. Car les principes actifs utilisés pour ces produits sont généralement inconnus. En plus, on ignore souvent leur dosage. Par conséquent leur consommation est susceptible d’agresser les organes comme le foie, les reins, le tube digestif, et parfois les poumons. Les scientifiques reconnaissent à certaines plantes, à l’instar du citron et du gingembre, utilisées dans la composition de certains de ces breuvages, des vertus anti-oxydantes avec des possibilités de renforcement du système immunitaire. Cependant, les experts de la santé précisent qu’il s’agit généralement que de la prévention et conseillent prudence et recommandent de toujours se rendre chez un médecin en cas de problème de santé.