Une mère empoisonnée, un bébé volé, une ville sous le choc. Ce scénario macabre n’est malheureusement pas une fiction. Le 8 mai 2025, à Yaoundé, une jeune femme prémédite un double crime terrifiant : ôter la vie à une mère pour s’approprier son bébé. Identifiée comme Essang Edang Nasarine, 26 ans, la suspecte a été arrêtée un mois après les faits, à la suite d’un travail d’enquête rigoureux mené par les éléments du Commissariat central n°1, sous la direction du commissaire divisionnaire Thierry Medou. Présentée à la presse le 11 juin 2025, elle est aujourd’hui poursuivie pour meurtre avec préméditation et enlèvement de mineur.
Selon le rapport de police, la suspecte aurait abordé la jeune mère sous un prétexte encore inconnu. Les deux femmes ont voyagé ensemble à bord d’un bus reliant Mbalmayo à Yaoundé. Durant le trajet, elles ont échangé sur leurs difficultés respectives. La victime, Étienne Gabriel, âgée de 18 ans, évoque sa solitude et sa précarité. La suspecte, elle,confie qu’elle vit en union libre avec un homme qui souhaite avoir un enfant. C’est là que germe l’idée funeste.
Nasarine aurait fait croire à son compagnon, quelques mois auparavant, qu’elle était enceinte. Il ne lui manquait plus qu’un nourrisson à présenter. Arrivées au quartier Mvan à Yaoundé, elle aurait alors offert à la jeune maman un pain chargé avec du haricot contaminé à l’« Arata », une substance toxique bien connue des autorités pour sa dangerosité. La victime, affaiblie, serait décédée peu après ingestion.
Profitant de l’absence de témoins, Nasarine aurait ensuite pris la fuite avec l’enfant, un bébé de seulement 4 mois. L’enfant a été retrouvé sain et sauf, et placé sous protection. Les circonstances précises de sa récupération n’ont pas été communiquées, mais selon des sources proches du dossier, il n’aurait subi aucun traumatisme physique.
Une traque de 30 jours, une arrestation sans heurts
La cavale de Nasarine a duré 30 jours. Grâce à un patient travail d’enquête et à l’exploitation de renseignements de terrain, les policiers sont parvenus à localiser la suspecte. L’interpellation, coordonnée par le commissaire Medou, s’est déroulée sans incident. Lors de sa présentation à la presse, la suspecte est restée impassible, ne montrant aucun remords. Les motivations de son acte restent floues : désir d’enfant obsessionnel ? Tentative de sauver une relation ? Vol d’enfant à des fins de revente ? Plusieurs hypothèses sont encore à l’étude. L’usage de l’« Arata » inquiète particulièrement. Bien que cette substance soit interdite, elle reste accessible sur certains marchés informels, révélant un vide réglementaire alarmant.
Ce drame n’est pas isolé. Entre 2020 et 2024, au moins 26 cas d’enlèvements de nourrissons ont été recensés au Cameroun par des ONG. Les profils des ravisseurs varient, mais les méthodes se ressemblent : approcher la mère, gagner sa confiance, user de ruse ou de poison, puis s’enfuir avec l’enfant. Les motivations vont de la quête désespérée de maternité à l’alimentation de réseaux d’adoption illégale. Face à cette recrudescence, certaines structures de santé ont instauré des mesures de sécurité, comme les bracelets d’identification pour les nouveau-nés. Mais dans les quartiers populaires, les jeunes mères restent particulièrement vulnérables, souvent livrées à elles-mêmes. …
Les autorités promettent des mesures plus strictes. Mais tant que les réseaux de trafic d’enfants et les circuits parallèles de substances toxiques ne seront pas démantelés, les drames comme celui de Nasarine risquent de se reproduire. Une question glaçante demeure : combien d’enfants faudra-t-il encore arracher à leur mère pour que le phénomène soit traité à la hauteur de sa gravité ? Dans l’ombre des marchés, des maternités et des quartiers périphériques, d’autres tragédies se préparent peut-être déjà.