Quand tu n’as pas d’eau, tu es privé de tout, tu ne peux rien faire. Que ce soit la cuisine ou la lessive.
Chantal Nganamouyam se plaint du préjudice causé par les coupures abusives d’eau. La jeune dame aux portes de la trentaine, vit au quartier Ebom, à 30 minutes de marche de Damas. Obtenir de l’eau potable est un combat quotidien pour elle. Elle parcourt environ deux kilomètres pour s’approvisionner en eau à boire. Une situation qui pousse la mère d’un garçon de deux ans à utiliser de l’eau du puits pour la vaisselle et la lessive. Des activités qu’elle mène au quotidien après plusieurs équations. Cet après-midi du 20 mars 2024, Chantal utilise de l’eau du puits pour faire la lessive, à l’ombre, loin des rayons du soleil qui font transpirer son jeune frère. Malgré la présence de l’eau dans sa maison, la jeune dame a sorti ses réserves pour se livrer à cet exercice. La cause, la mauvaise qualité de l’eau qui alimente la maison depuis plusieurs jours. Autour d’elle, des récipients de 10 litres et de 20 litres sont visibles. Une situation qu’elle a pu amortir en se dotant d’un puits.
C’est compliqué de vivre dans ces conditions, sans eau. Quand bien même il y a de l’eau au robinet, elle est inutilisable comme maintenant. Voilà que pour laver les habits, je suis obligée d’utiliser l’eau du puits,
affirme Chantal.
Des solutions définitives
Pour pallier ce problème, certains foyers ont opté pour des forages. Dans cette cité située non loin du rond-point Damas, un château d’eau trône dans la cour. Au sommet, est installé un cubitenaire d’une capacité de trois mille litres. Une solution qui permet aux occupants de la concession de vaquer sereinement à leurs tâches quotidiennes. « Avant, on se plaignait beaucoup des problèmes d’eau ici. Depuis que le bailleur a installé cet ouvrage, nous sommes à l’aise. Nous sommes en difficulté lorsqu’il y a délestage, parce que le système est électrique. Encore faut-il que la citerne ne soit pas chargée », explique Jordane Meva’a, locataire.
Le même scénario est observable au quartier Etoug-Ebe. Depuis trois ans, les populations ne consomment plus de l’eau distribuée par la Cameroon Water Utilities (Camwater). Au domicile de la famille Kuwan, les gouttes d’eau visibles dans le lave-vaisselle sont les restes de l’eau du forage usitée. Dans la cour de la concession, la rouille sur le compteur d’eau indique que l’outil n’a pas servi depuis des années. Un coup d’œil dans un coin de la cour laisse entrevoir un robinet abandonné à lui-même. Le support aménagé pour accueillir les récipients autrefois, porte aujourd’hui le poids des objets qui attendent le passage des véhicules chargés de la collecte des ordures. Face à cette situation, Chelsea Kuwan, ménagère, a fait un abonnement mensuel de 5.000 F chez sa voisine, propriétaire d’un forage. « Aujourd’hui, nous sommes obligés d’acheter de l’eau. Cela revient plus cher, parce que nous avons déjà tellement de récipients qu’on puise parfois de l’eau deux fois, certaines semaines. Nous sommes au nombre de 7 dans cette maison. Je n’ose même pas savoir comment on vivrait sans eau », argue-t-elle.
Cette situation que vit les habitants du quartier Etoug-Ebe est due aux travaux effectués sur l’axe situé au lieu-dit Ministre, il y a trois ans. Selon les témoignages recueillis sur les lieux, le chantier avait endommagé les tuyaux de l’entreprise de distribution d’eau au Cameroun. Cette dernière avait dès lors déployé une équipe sur le terrain pour régler la situation.
A l’origine des maladies hydriques
Les problèmes d’approvisionnement en eau potable touchent de près la santé des populations. En 2019, le taux de mortalité attribuable à l’insalubrité de l’eau, aux déficiences du système d’assainissement et au manque d’hygiène était estimé à 45,2 décès pour 100 000 habitants, selon le ministère de la Santé Publique du Cameroun (MINSANTE) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Une situation beaucoup plus accentuée en zones rurales. L’OMS révèle que les consultations dans les dispensaires dans certaines parties du territoire sont liées à des maladies hydriques.
Cette situation ne laisse pas indifférents les autorités camerounaises. La question était au centre des débats lors de la 31e édition de la journée mondiale de l’eau, le 22 mars 2024 dans la région de l’Est. Placée sous le thème « l’eau pour la paix », la commémoration a été l’occasion pour le Directeur général de la Camwater de réitérer l’engagement des pouvoirs publics dans la lutte pour l’accès à l’eau potable. « Nous allons faciliter les branchements, la disponibilité des compteurs, nous ferons en sorte que l’eau soit toujours disponible dans la tuyauterie pour qu’elle soit consommée au niveau des ménages. Pour ce faire, des projets sont en cours sur l’ensemble du territoire. A l’Extrême-Nord, nous avons le projet qui part du barrage de Mokolo pour couvrir la zone jusqu’à Mora et Kolofata. Nous travaillons avec le CICR, et tout se passe bien. Actuellement, Maroua est en train de commencer un projet qui va apporter plus de 15 000 m3 supplémentaire par jour », a déclaré Blaise Moussa, Directeur général de la Camwter. En attendant de l’eau dans les ménages, les habitants de certains quartiers sont livrés à eux-mêmes.