Et si un jour, vous arriviez à l’hôpital, et qu’on vous disait qu’il n’y a pas de sang pour vous sauver ? Cette question, aussi dramatique soit-elle, n’a rien d’une fiction. Au Cameroun, les banques de sang sont à sec, et derrière ce constat alarmant, se cachent des vies suspendues à une poche de sang introuvable. C’est cette urgence que tente de conjurer le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), en lançant, le jeudi 22 mai 2025, une vaste campagne de don dans plusieurs villes du pays.
Accidents de la route ; accouchements compliqués ; opérations chirurgicales ; drépanocytose ; hémophilie…Les besoins sont multiples, constants, et souvent imprévisibles. Rien qu’en 2024, le pays a enregistré plus de 3 000 accidents graves, causant 254 décès et 256 blessés graves nécessitant des transfusions urgentes. À cela s’ajoutent les blessures liées aux crises sécuritaires, les cas médicaux chroniques et les hémorragies obstétricales. Autant de situations où une seule poche de sang peut faire la différence entre la vie et la mort.
Face à cette situation, le CNTS, en partenariat avec les agences de microfinance UNICS, organise une campagne de collecte de sang, le Jeudi 22 mai 2025, dans cinq grandes villes : Douala, Yaoundé, Bamenda, Buea et Bafoussam. L’objectif est clair : mobiliser massivement les citoyens pour reconstituer les stocks, et prévenir la catastrophe silencieuse qui se joue chaque jour dans les hôpitaux. Cette campagne est aussi un appel à la conscience collective. Le slogan « Mon sang, ma vie » rappelle que chacun peut être à la fois sauveur et sauvé. Car la solidarité humaine, dans ce contexte, n’est pas une abstraction : elle se mesure en litres de sang, en vies épargnées, en enfants rendus à leurs mères, en familles épargnées par le deuil.
Malgré les efforts de sensibilisation, de nombreuses personnes hésitent encore à donner leur sang, influencées par des rumeurs persistantes. L’une des plus tenaces veut que le sang donné gratuitement soit ensuite vendu aux patients dans les hôpitaux. Une perception fausse, mais alimentée par le manque de transparence perçue et le coût non négligeable des poches de sang à l’hôpital. En réalité, le don est bien gratuit, mais le sang ne peut pas être utilisé tel quel.
Il doit être testé, étiqueté, conservé, transporté, souvent transformé selon les besoins médicaux. Ces étapes nécessitent des réactifs et équipements coûteux. Le coût réel d’une poche de sang revient à plus de 32 000 FCFA, mais grâce aux subventions de l’État, elle est mise à disposition à environ 18 000 FCFA. Ce montant ne paie pas le sang, mais le traitement nécessaire pour le rendre sûr et efficace. En effet, le Pr Tetanye Ekoe, Président du Comité de gestion du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), s’est exprimé dans les colonnes de Cameroon tribune, le quotidien gouvernemental, en ces mots :
Dans tous les pays civilisés du monde développé et des pays en développement, le système de transfusion sanguine est fortement subventionné, directement ou indirectement, par l’État,
affirmait-il.
Le CNTS a évalué qu’il nécessitait une subvention d’au moins 3,5 milliards de FCFA pour l’année 2025. Finalement, le Centre n’a obtenu qu’environ un milliard de FCFA, pour une population estimée à 35 millions d’habitants.

Un enjeu de santé publique
La question du don de sang ne peut plus être laissée aux seuls soignants. Elle interpelle l’ensemble de la société. Chacun, à tout moment, peut se retrouver dans le besoin. Un accident de voiture, une maladie imprévue, un accouchement compliqué, et l’on se retrouve du côté des urgences, les yeux tournés vers la poche qui manque. Dans ce contexte, la campagne du CNTS est bien plus qu’une opération de santé. Elle est un acte de mobilisation nationale, un appel à la responsabilité individuelle et collective. Il s’agit de faire comprendre que le sang ne se fabrique pas en laboratoire, qu’il n’a pas de substitut synthétique fiable, et que sa disponibilité dépend exclusivement de la générosité de ceux qui peuvent en donner. …
Le sang est le carburant de la vie. Invisible, il devient vital lorsqu’il manque. Derrière chaque poche offerte, c’est une vie prolongée, une mère sauvée, un enfant guéri, un avenir restauré. Donner son sang, c’est participer à une chaîne silencieuse du salut. C’est, quelque part, affirmer : ma vie compte, et celle des autres aussi. Le jeudi 22 mai 2025, le Cameroun a rendez-vous avec lui-même. Dans les agences UNICS, de Douala à Bamenda, de Yaoundé à Bafoussam, les donneurs ont le pouvoir de renverser la courbe de la pénurie. Il ne s’agit plus seulement de santé publique, il s’agit d’humanité. Un jour, ce sera peut-être votre sang qui sauvera une vie. Ou celui d’un autre qui vous sauvera.